Héros de « l'Espoir » de Malraux, résistant, torturé ... écrivain et exégète...
Paul Nothomb est mort en 2006 , « emporté à 17 ans par l’illusion stalinienne, combattant en
Espagne de la mythique escadrille Malraux, auteur de dizaines d’actes de sabotage pour le compte de la Résistance dans la Belgique occupée, Paul Nothomb était appelé à un destin d’apparatchik.
Mais sa première vie a pris fin le 13 mai 1943. Arrêté par la police allemande, torturé, il parvint à ne pas livrer le secret du trousseau de clefs qu’il portait sur lui ce jour-là. Il menait à
son domicile, à son épouse enceinte, et à tous les renseignements nécessaires aux Allemands pour détruire son réseau. Le prisonnier réussit à faire croire à ses tortionnaires que, comme ancien
propagandiste du pacte germano-soviétique, il était toujours leur allié. Jusqu’à s’en convaincre lui-même. Au prix de sa raison.
Plusieurs semaines après son arrestation, estimant que ses compagnons avaient eu le temps de se mettre à l’abri, il donna
des noms. Le 24 janvier 1944, son épouse, sous le prétexte de lui présenter leur fille nouvellement née, lui apporta, au siège même de la Gestapo à Bruxelles, un revolver chargé. Paul Nothomb
s’évada. au lendemain de la guerre, il fut accusé de "trahison" par le parti communiste, jugé, condamné – deux ans ferme, huit en appel –, puis rapidement réhabilité par la justice. Son premier
roman, le Délire logique, au fil duquel il évoque cette terrible expérience, fut accueilli en 1948 avec froideur. "Tu auras contre toi l’union de tous les menteurs et des gens qui veulent qu’on
leur mente. Ça en fait beaucoup", l’avait prévenu son ami Malraux, qui jamais ne douta de lui.
Rares sont les hommes qui peuvent, avec une telle légitimité, pour les avoir expérimentés et médités une très longue vie
durant, évoquer les thèmes essentiels. La haine. Le pouvoir. La souffrance. La folie. L’espérance. L’homme et la femme. Dieu. La solitude. Leçon de vie et de mort. » La Vie 2004
Jan Brueghel et Rubens, Le jardin d’Eden, Mauritshuis
« Paul Nothomb montre qu'il n'a pu arriver à une lecture entièrement neuve de la Bible que parce qu'il avait connu, sous l'Occupation, une révélation négative. Ce fut la perte de la liberté qui lui fit sentir à quel point la liberté le constituait. Il comprit que sa vie n'avait été qu'une sous-vie, manipulée, instrumentalisée par des idéologies porteuses de mort, déterminées par l'odieux principe : « la fin justifie les moyens ». Chez Nothomb, l'érudition n'eut jamais rien de gratuit. Elle participa à une quête éperdue de vérité essentielle, elle répondit à un besoin vital.
Lucas_Cranach: le jardin d'Eden
Aujourd'hui plus que jamais, elle sert à dénoncer les mensonges d'un monde où les hommes s'aveuglent en refusant d'admettre que l'objectivité n'existe pas, que la réalité n'est qu'une construction mentale et que tout dépend du cerveau humain. Précisément, la Bible des origines parle de tout cela, de nos auto-aliénations, de nos auto-incarcérations, de notre incapacité à sortir des limites de la raison abstraite. La Chute originelle ne ressemble en rien à la caricature qu'ont imposée au fil des âges toutes ces lectures culpabilisantes en vertu desquelles un Dieu jaloux punissait sa propre créature.
C'est Adam lui-même qui s'est mis en sommeil en se détachant de l'Éden inouï où il avait part à l'immortalité et à la quatrième dimension. De cet état ancien, nous devons encore avoir une idée, sinon pourquoi demeurons-nous incurablement optimistes ? N'est-ce pas parce que notre première nature, l'originelle, l'immortelle, même si nous n'y pensons plus jamais, nous rend naturellement optimistes ? Interprète assidu, entêté, infatigable, du génie de l'hébreu, Paul Nothomb est prêt à affronter le grand passage, parce qu'il sait qu'il va, enfin, retourner à ses vraies origines. » MICHEL GRODENT