Ll2t 15

Revêtu de corbeau, les ailes en arrière,
Dressées comme les pages d’un livre sans fond,
Où palpitait d’un son de venteuse charnière
Plein de pourpre un calice aux souvenirs profonds.
Ils sont cent mille bouches en closes corolles,
Boutons de secrétaires, onglets anonymes.
Forêt marine d’où, avatardes lucioles,
Le présent de quelques bulles parfois s’anime.
De leurs pointes sensibles ce sont d’autres fils,
Débordant d’une autre coupe au cœur plein d’instances,
Qui profitant de leur cécité se faufilent,
Tactiles aiguillons quêtant des résonances.
Bouillant dans les cornues d’alchimistes craintifs,
Se liquéfient les sucres, fument les acides,
Et par les trompes de ces papillons fictifs,
Perlent des élixirs sur les fleurs qui s’oxydent.
Courants aléatoires qui font s’élancer
Sur des pages planant, que les marées remplissent,
Ces filaments qui gouttent pour ensemencer
Les vagues renaissantes qui s’ensevelissent.
En cela tout est toujours mémoire à venir,
Faite de ce qui fut, que pour ce qui devient,
Mouvement de ressource qu’on ne peut bannir
Qu’en le réduisant à n’atteindre jamais rien.
Combien de livres ainsi aux pages pliées
Et de plumes tremblantes aux bouts desséchées.
Ces sommes d’inertie en prudences reliées,
Horizons refermés et terres asséchées.
C’est de ça que tu viens et que je te nourris,
Titubante furie aux ardentes noirceurs,
Qui se calme parfois de mes amphigouris,
Dans ton maigre estomac lorsque y échoient des leurres.
C’est de ça que tu viens ma vitale acharnée,
Ma barbare lucide qui ne sait choisir
De paître gentiment dans les arpents bornés
Où les futurs absents s’apaisent à loisir.
Ne t’arrête jamais d’être ma préférée,
Ma plaie aux yeux plongeant de son môle sans âge,
Projetant tes filins, de mon urne serrée,
Au gré de ton touché de fragile cordage.
Ne t’arrête jamais, même corbeau vêtu,
Les ailes déployées, comme un livre affamé,
Grinçant parfois d’un son de charnière têtue,
D’emplir mon cœur avec ce que je sais aimé.