Le cerceuil dansait
sous le chant d’au-revoir
il tournait
virevoltait
oublieux des porteurs
qui lui prêtaient leurs jambes.
Pour moi c’était la vie
elle s’affirmait
s’imposait si naturellement
que le mort
là
dans sa boîte
transformait les pleurs
en espoir
ultime transcendance
mariage singulier
de sentiments antagonistes
qui arrachaient des cris aux femmes
des larmes silencieuses aux hommes
et qui mêlaient leurs voix
pour conjurer la mort
et qui ensorcelaient leurs pieds
racines parfumées de la Terre natale
pour afirmer la vie.
C’était l’Ouroboros
qui dansait là
Symbole d’une vie accomplie
partie s’enraciner ailleurs.
Cet homme
Léopold Congo Mbemba
respecté comme un sage
comme un père
aimé de tous ceux qui m’en parlaient
je ne l’avais jamais rencontré.
Est-il besoin de rencontrer un poète
pour le connaître ?
Ses mots ne dessinent-ils pas ce qu’il est
ce qui l’anime ?
En ce début d’après-midi
dans ce flot pris de chant
il m’apparaissait
dans la nitescence du ciel
enfin bleu
de cette fin d’hiver.
Une princesse Rwandaise
fragile et exaltée
m’avait conviée à la cérémonie
j’étais venue
elle était absente.
J’étais là
à me dire
que j’aimerais moi aussi
danser ainsi
pour mon dernier salut
laissant à d’autres le soin de chanter
de marquer la mesure de mon absence
pour rompre avec la rigidité cadavérique
par l’évanescence d’un chant
qui m’emporterait
vers cet ailleurs
indéféni.
Une femme qui m’observait
lisant sans doute sur mon visage
les pensées qui m’habitaient
moi l’occidentale au teint pâle
m’a rejointe et m’a dit :
« C’est un chant d’au-revoir,
chez nous, c’est la coutume ! »
puis agitant la main elle m’expliqua :
« On lui fait signe pour qu’il sache qu’on se retrouvera ! »
Alors elle s’est mise à fredonner
et moi
moi j’ai fermé les yeux
pour mieux voir.
©Adamante