« Il n’est pas de sauveur suprême, ni Dieu, ni César, ni tribun ». Des paroles on ne peut plus explicites issues du célèbre chant révolutionnaire « L’Internationale », hymne des diverses luttes sociales à travers le monde. Un chant repris, par exemple, au Venezuela par les partisans d’Hugo Chavez qui viennent de perdre leur sauveur suprême, leur Dieu, leur César, leur tribun.
En effet, nombreuse et dense était la foule assistant aux obsèques de l’ancien président marxiste. Un dernier adieu à celui présenté comme un autocrate par ses adversaires et comme un héros par ses admirateurs. La nuance et la recherche de la vérité n’étant pas l’apanage de notre époque, bien difficile de tirer un bilan objectif des ses années passées au pouvoir. Alphabétisation, meilleur accès aux soins contre hausse de la criminalité et de la corruption. Seule certitude, un culte de la personnalité savamment orchestré dans la plus pure tradition des régimes communistes dont la devise pourrait être « Notre force c’est le collectif, et le collectif, c’est moi ! ».
Un paradoxe lié à l’inclination naturelle de l’être humain à confier son destin à une personnalité charismatique au verbe tonitruant. Une hypocrisie de plus pour des gouvernants dit « de gauche », toujours prêt à idéaliser la notion de « peuple » à des fins personnelles. Aujourd’hui, à observer les réactions d’une grande partie de vénézuéliens, il est permis de s’inquiéter pour l’avenir du pays, dont une majorité d’habitants avaient misé tous ses espoirs dans un seul homme. Après lui, le déluge de larmes.
Pendant ce temps, dans le reste du monde, chacun est sommé de choisir son camp. Saluez son courage manifeste dans sa résistance à l’oligarchie pétrolière qui dominait jusqu’alors l’économie de son pays, et vous passerez alors pour un soutien sans vergogne de son ami Mahmoud Ahmadinejad. Exposez des critiques virulentes mais néanmoins fondées sur ses crises de népotisme aigues dans la distribution de postes à responsabilité, et vous serez considéré comme un suppôt de l’administration américaine. Choisir un camp, c’est aussi se laisser enfermer dans un piège idéologique.
Le ridicule ne pouvant tuer, ultime symbole mégalomaniaque, il est aujourd’hui question d’embaumer le cadavre et de l’exposer dans un cercueil de verre. Une relique, une icône comme une nouvelle trahison de la force de la collectivité au dépens d’un nouvel l’esprit révolutionnaire : « Ami, si je tombe, je ne resterai pas dans l’ombre, mais sous glace ».
Aussi longtemps qu’il continuera à chercher sans cesse un seul guide, un seul meneur, un seul chef, le peuple uni ne sera peut-être jamais vaincu, mais il risque fort d’être souvent cocu.
Guillaume Meurice
08/03/2013