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Mr Mayhem and Me

Publié le 12 mars 2013 par Blabla
Aujourd'hui chez les terriens ... une geekette s'interroge sur son rapport avec la mort.
Aujourd'hui, cela fait tout pile deux ans que ma famille perdait un de ses membres. Il avait 41 ans, une femme aimante, une adorable fille de 11 ans et un garçon très éveillé de 8 ans. Et cela faisait sept ans qu'il se battait contre une maladie insidieuse qui tantôt le laissait tranquille sans aucun traitement, tantôt le contraignait à passer plusieurs jours voire quelques semaines à l'hôpital. Une vilaine chose nommée tumeur cérébrale. Une vilaine chose qui s'est attaquée à mon oncle, celui qui m'a appris énormément de choses ... 

Mr Mayhem and Me

La Madeleine à la veilleuse
Georges de La Tour (1593-1652)


Mon oncle était un artiste. Un dessinateur et auteur de BD. Oh pas de BD connues. Il n'en a publiée qu'une je crois, une autre était finie mais il n'avait jamais pu la faire éditer. Son univers était un savant mélange d'influences : Enki Bilal, Jodorowsky, Mézières, Leloup, Morris bien sûr, Jacques Martin, Jean Van Hamme,   Mœbius évidemment, Batem (il était archi-fan du Marsupilami), Edgar P. Jacobs, ... Ses histoires mêlaient toujours le médiéval, teinté souvent d'un peu de fantasy, avec le futuriste ... Un peu à la Bernard Werber parfois ... Grâce à lui j'ai découvert tous ces auteurs. J'ai découvert Valérian et Laureline, Les Technopères et La caste des Méta-Barons, la saga des Immortels de Bilal, et les œuvres de Mœbius. 
Mon oncle était aussi cinéphile. Il adorait surtout les vieux films. Les péplums, les western spaghetti, les film de Michel Audiard, et les films des années 80. C'est avec lui que j'ai vu pour la première fois Un poisson nommé Wanda, Le bon, la brute et le truand, et Il était une fois dans l'Ouest
Mon oncle était le dernier des six enfants de mes grands-parents. Il jouait les babysitters pour mes parents parfois, alors que j'étais tout bébé. Autant vous dire que je l'ai toujours connu près de moi, à chaque étape de ma vie. Il s'intéressait toujours à moi, à ce que je faisais, à ce que j'aimais. Je passais des heures à écumer ses étagères pleines de BD à chaque fois que j'allais chez lui. J'ai d'ailleurs hérité de certaines d'entre elles. Je ne remercierais jamais assez ma tante pour cela d'ailleurs. 
En bref, mon oncle, je pensais que je le verrais toujours. Je pensais le voir se faire pleins de chevaux blancs, grossir, voir son visage se rider, peut être même le voir jouer avec ses petits-neveux et petits-enfants ... 
Il y a neuf ans donc, quelques mois après le baptême de son fils d'à peine un an, il est allé à l'hôpital pour consulter un ophtalmo en urgence. Il travaillait à côté et il avait de très forte migraines, il voulait donc savoir ce qu'il avait. Une chance. Le scanner a révélé une petite tumeur derrière son oeil (d'où les migraines), opérable. Les chirurgiens avaient, à l'époque, réussit à tout ôter. Il a eu un petit traitement, normal avec une tumeur, mais il avait échappé à la chimio. Il n'a écopé que d'un creux sur le front, à l'endroit où les chirurgiens ont dû "briser" son crâne pour opérer. Ce petit "incident" dans sa vie ne lui avait pas ôté son sens de l'humour : a Noël il nous a sorti un magistral "J'y peux rien, c'est la faute à la tumeur" quand on lui a fait remarqué qu'il était toujours aussi maladroit ^^. 
Il y a eu quelques rechutes, mais il a toujours pu être soigné. Jusqu'à la dernière, en Octobre 2010. Juste avant les vacances de la Toussaint. Une grosse rechute qui causa carrément une attaque avec hémiplégie (paralysie d'un seul côté du corps, accompagné souvent de gonflements). Il resta un moment à l'hôpital avant que lui et ma tante ne décident de le faire hospitaliser à domicile. Mais ce qui fut dur pour tout le monde, ce fut la déclaration du médecin : Denis n'en avait plus que pour quelques mois, il ne passerait peut être même pas Noël ... Le plus dur fut bien sûr pour ma tante : comment expliquer à ses enfants, surtout à leur fils de huit ans, que leur père va mourir ? Comment expliquer à deux enfants qui adoraient leur père que ce serait le dernier Noël qu'ils passeront avec lui ? Que peut être même ce serait le pire Noël de toute leur vie ? Et comment voir son mari dépérir, passer par des phases de dépression, l'entendre dire qu'il voudra qu'on le débranche avant la fin ... ? 
Mon oncle été très entouré, et il s'est bien battu. Il a pu fêter Noël et le Nouvel an avec toute sa famille, aimante, à ses côtés. Contre toute attente il a tenu presque trois moi de plus que les meilleurs pronostics des médecins. Mais dans quel état ... A la fin, ce n'était plus mon oncle. C'était une coquille presque vide avec parfois des petites étincelles qui montraient que mon oncle était encore là, quelque part ... Il était presque entièrement paralysé, on ne comprenait que très très mal ce qu'il disait, il ne pouvait presque plus manger. Dans un éclair de lucidité, il m'a dit qu'il était fier de sa grande nièce, que j'étais devenue une belle jeune femme et que je devais profiter de la vie. J'en ai pleuré comme une madeleine. J'en pleure encore à l'écrire ... 
Par chance, il s'est éteint doucement, grâce à la gentillesse et aux soins de l'équipe médicale du pôle de soins palliatifs, le dimanche 12 Mars 2011. Le mercredi suivant, on le "voyait" pour la dernière fois lors de ses funérailles. De belles funérailles, avec plus de gens qu'on aurait pu l'imaginer. Mon oncle était aimé partout où il passait. 
Ce jour-là, je n'ai pas voulu le voir, dans son cercueil. Je ne voulais pas. Je ne pouvais pas. Déjà que de le voir à l'hôpital sur la fin c'était dur ... Là c'était au-dessus de mes forces. J'ai tout de même pu écrire une lettre, que j'ai réussit à lire ans trop pleurer au funérarium, avant qu'il ne se fasse incinérer. Lettre que j'ai donné à ma tante. Ce fut un dur moment, j'ai beaucoup pleuré (surtout dans l'église, bon sang de bois, j'avais bien fait de prévoir plusieurs paquets de mouchoirs). Et puis on a repris nos vies ...
Récemment, j'ai été à nouveau confrontée à la mort. 
D'abord la grand-mère de mon père, ma toute dernière arrière-grand-mère. Je la connaissait assez peu, et je n'ai pas eu de mal à aller lui faire un dernier adieu. La voir étendue, morte mais comme endormie, ça ne m'a rien fait. J'étais là pour épauler ma grand-mère qui venait de perdre sa mère. Pour faire plaisir, j'ai accepté de réciter une prière. J'ai tenu la main de ma tante. Mais étrangement, ça ne m'a pas spécialement touchée. Pourtant je l'aimais bien cette femme, je l'admirais ... Mais il est vrai que de ce côté de ma famille, on célèbre plus facilement la vie que la mort. Nous, on est encore en vie, c'est ce qui compte, et elle aurait voulu qu'on en profite, qu'on soit heureux et joyeux, mais ce jour-là.
Puis, une semaine après, une soeur de mon grand-père maternel. Ma grand-tante la plus proche. Tatan Jeanne, comme on l'appelait. Un de ses fils a lu une lettre, pour elle, pour la famille, à l'église. Et là, j'ai craqué. Parce que tout ce qu'il a dit ma renvoyé deux ans en arrière. Je revoyais le cercueil de mon oncle. J'ai éclaté en sanglot, étouffant maladroitement un petit cri ... Je n'ai pas pleuré longtemps. Cela m'a aussi rappelé l'enterrement de ma nourrice, morte d'un cancer du sein. Parce que c'était dans la même église. 
Et là aussi, on a tous repris nos petites vies bien tranquilles. mais plus facilement, parce que pour elles, c'était l'heure. c'était leur temps. C'était logique.
Mon rapport avec la mort est de fait assez étrange. Je ne la crains pas. Je sais que c'est notre fatalité à tous de la rencontrer un jour ou l'autre. j'espère juste qu'elle me visitera le plus tard possible ... Mais quand il s'agit de mes proches ... Quand il s'agit de gens qu'on ne s'attend pas à voir mourir avant des décennies ... Quand la mort survient dans la logique des choses, on s'y fait, on fait son deuil, on fait avec, c'est normal en somme. Mais quand elle arrive soudainement, qu'elle arrache quelqu'un de jeune, qu'elle enlève un fils à ses parents, qu'elle fait une jeune veuve et deux orphelins ... Quand on ne comprend pas pourquoi, c'est là que la mort revêt son masque horrible et qu'elle vient avec ses grands sabots pour piétiner toutes nos petites croyances.
Ma tante est chrétienne. Pratiquante. Du moins elle l'était avant la mort de son époux. A sa mort, elle était en colère. Contre son Dieu qui l'avait abandonnée. Contre ce Dieu qui avait laissé un homme innocent, aimant et aimé de tous, bon avec tout le monde, mourir d'une saloperie incurable et pernicieuse. Elle avait perdu la foi, tout simplement. Si j'avais été croyante, j'aurais réagi comme elle. Je me suis contentée de vivre en dehors de moi-même quelques temps. Tout ce que j'ai fait pendant plusieurs mois n'étaient que des instincts mécaniques, je n'étais mue que par mes besoins vitaux, j'agissais machinalement. J'ai perdu une "amie" à cause de cela : ne pouvant plus me soucier de qui que ce soit, pas même de ma propre personne, je l'ai négligée. Cela dit, elle n'a pas été là pour moi tandis que je m'enfonçais ... Mais passons ...
Tout ça pour dire que la mort nous touchera toujours de différentes façons et à différents moments de notre vie. Je la côtoie souvent, car tous les deux ans environs je perds mes rats ... Oui, ça n'a pas une longue vie ces bestioles. Mais ce n'est pas la même chose que de perdre un membre de sa famille ... 
Cela ma juste permis d'avoir un rapport serein à propos de ma propre mort. La vie à un début et une fin. Et contre ça on n'y peut rien. Une fois qu'on sait cela, il n'y a plus qu'à avancer jusqu'au panneau d'arrivée, en espérant qu'il soit encore loin ... 
Voilà, c'était l'article larmoyant du jour ^^. Et vous, quel est votre rapport avec Mr Mayhem* ?
*Mr Mayhem est le nom donné à la mort par certains Bikers, notamment dans Sons Of Anarchy.

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