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Hippophagie et controverse équine

Publié le 18 janvier 2013 par Blabla
Aujourd'hui chez les terriens ... une geekette mange de la viande de cheval, et elle aime ça.
Oui, vous avez bien lu, je fais et je mange du cheval. Non, les deux activités ne sont pas incompatibles. S'il est vrai que je n'aurais jamais mangé de cette viande quand j'étais enfant (oui, le dada c'était pas mangeable, s'comme le dauphin, c'était trop meugnon pour finir en steak), j'ai depuis changé d'avis. Déjà parce que j'ai du y goûter pour ne pas vexer ma belle-mère qui avait fait la cuisine sans penser à me demander si j'aimais ça, et depuis parce que tout simplement j'aime ça. Mais à présent, j'ai aussi pleins de bonnes raisons de ne pas arrêter d'en manger ... (je vous préviens, c'est un peu long ^^).
Hippophagie et controverse équine
Je vais commencer par répondre aux éventuelles acharnées du "nan mai comen tu peu fair sa ! le cheval say tro jenty tu peu pa le mangé ! cé un ami pa de la boufe !" (oui, j'ai remarqué que la plupart des gens qui crient au scandale face à un cas avéré d'hippophagie sont en général des nanas cavalières pas très portées sur le respect de la langue de Molière ...), je vais commencer par quelques petites constatations primaires :
  1. Beaucoup disent comme argument de choc "faut pas manger tel animal parce qu'il est gentil et mignon" : la salade aussi est gentille, elle ne fait de mal à personne, ça ne l'empêche pas de finir dans l'assiette. De même, les souris aussi c'est mignon, ça ne nous empêche pas de les tuer à tour de bras parce qu'elles sont nuisibles ... Les louveteaux et les lionceaux aussi sont mignons, mais une fois adultes ce sont de vrais déchiqueteuses ... 
  2. D'autres clament que manger du cheval, et même manger de la viande tout court, ce n'est pas naturel ... Un conseil, si un jour vous avez la chance de posséder une machine à voyager dans le temps : allez faire un tour au temps des hommes des cavernes, et vous pourrez constater à quel point la viande était plus souvent au menu que les "choses de la terre". Ba oui les gens, ce n'est que depuis la sédentarisation que la verdure est devenue banale dans nos assiettes. 
  3. Enfin, l'ultime argument "faut pas manger le cheval, c'est notre ami, il est très utile à l'homme en plus". Oui, le boeuf aussi. Mais qu'il finisse en burger ça ne choque personne ... 

Voilà, ça c'était pour le petit coup de gueule. Mais cet article ayant pour but principal d'informer et d'expliquer en quoi l'hippophagie n'est ni un vice ni une maladie mentale, je vais donc passer à la partie sérieuse et neutre. 
Je vais commencer par un peu d'histoire. Parce qu'après tout il faut bien commencer quelque part. 
Comme je le disais plus tôt, l'hippophagie est attestée depuis le Paléolithique inférieur (soit il y a un peu plus de 2,5 millions d'années, rien que ça) et ce serait même un des premiers modes d'alimentation de l'homme (ah, vous voyez bien que c'est naturel en fait). Peu avant l'époque de nos ancêtres les gaulois, l'hippophagie était même en augmentation (et toc) et ce n'est qu'avec les Grecs et les Romains, ces peuples dits civilisés que cette pratique commence à être qualifiée de barbare. Et ce sont les premières grandes religions qui commencèrent à en interdire la pratique (oui, c'est vrai que les guerres entre les hommes c'était autrement moins barbare ...). Chez nous, c'est avec la noblesse féodale du Moyen-Âge que l'hippophagie est devenue tabou : oui, manger un symbole de la noblesse, c'était peu convenable. Et tout cela finira par aboutir à un interdit papal signé en 732 par Grégoire III qui qualifia l'hippophagie d'acte innommable (mais qui voulait surtout lutter contre les pratiques païennes).
En Suisse, après deux grandes famines en 1770 et en 1816, une lettre circule dans les cantons francophones afin « qu'il fût pris des mesures propres à favoriser l'usage, comme aliment, de la chair du cheval ». Dès 1841, l'hippophagie est progressivement autorisée en Europe.
Le goût des Français pour la viande de cheval remonte à la Révolution, lorsque ses agents doivent trouver, avec la chute de l'aristocratie, de nouveaux moyens de subsistance. Tout comme les coiffeurs et les tailleurs doivent se mettre au service du peuple, les chevaux, signe de prestige pour l'aristocratie qui en est propriétaire, finissent par servir à soulager la faim des basses classes. Pendant les campagnes napoléoniennes, le chirurgien en chef de la Grande Armée, Dominique-Jean Larrey, conseille aux troupes affamées de consommer la viande des chevaux. Au siège d'Alexandrie, de la viande de jeunes chevaux arabes sert à remédier à une épidémie de scorbut. Lors de la bataille d'Eylau en 1807, Larrey sert du cheval en soupe. Il mentionne dans ses Mémoires de chirurgie militaire et campagnes, comment, coupé des lignes d'approvisionnement à la bataille d'Aspern-Essling, en 1809, il nourrit les blessés avec du bouillon de viande de cheval assaisonnée de poudre à canon. L'hippophagie a très mauvaise réputation au début du xixe siècle car elle est associée, dans la perception populaire, aux équarrisseurs réputés égorger les chevaux, aux temps de famine et de misère, au peuple, à la pauvreté et même à la prostitution, elle est d'ailleurs longtemps réservée aux soldats des champs de bataille manquant de ravitaillement.Elle gagne du terrain dans la cuisine française durant les dernières années du Second Empire. Les revendications d'Émile Decroix, ancien vétérinaire militaire, et d'Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, zoologue, sont déterminantes. Leurs deux arguments sont la population parisienne démunie, souvent à la limite de la famine (le coût élevé de la vie à Paris leur empêchant l'achat de viande de porc ou de bœuf), et la présence de chevaux usés dans les rues : ils défendent le droit pour les propriétaires de chevaux âgés de vendre leurs bêtes à l'abattoir, afin d'éviter aux chevaux d'être exploités jusqu'à leur dernier souffle tout en créant une source d'alimentation pour les masses ouvrières. C'est la raison pour laquelle la Société protectrice des animaux, fondée en 1845, soutient l'hippophagie. Decroix, en sa qualité de membre du Comité des hippophages, organise des banquets « d'utilité publique », dont l'objectif est de prouver les avantages culinaires de la viande de cheval. Le 6 février 1856, il convie 132 personnalités au Grand Hôtel afin de leur faire déguster des spécialités concoctées avec ladite viande.Les bouchers bovins et porcins, dont la corporation est puissante, s'opposent à sa légalisation mais ne peuvent l'empêcher en juin 1866. Les premières boucheries chevalines ouvrent le 15 juin 1866 à Nancy, et le 9 juillet 1866 à Paris, place d'Italie, fournissant de la viande de qualité à des prix inférieurs. Un grand « banquet hippophagique » est organisé à l’occasion de cette ouverture parisienne ; le menu comporte notamment au premier service des potages au consommé de cheval, du saucisson de cheval et de l’aloyau de cheval aux croquettes de pommes de terre, au second service du filet de cheval rôti et une salade de romaine à l'huile de cheval. Les boucheries chevalines à cette époque avaient généralement une enseigne typique constituée de têtes de chevaux en laiton, souvent par trois, et dont un néon rouge soulignait le profil pour que l'enseigne fût reconnue même les soirs d'hiver.Pendant le siège de Paris en 1870, la viande de cheval est distribuée aux populations en raison d'une pénurie de viande fraîche (le 19 septembre 1870, on compte 100 000 chevaux dans la ville, en novembre, il n’en reste que 70 000), mais également parce que les chevaux se nourrissent des céréales requises par la population humaine. Beaucoup de Parisiens acquièrent un goût pour cette viande qui reste populaire après la fin de la guerre. Elle est alors réputée la moins grasse, sa haute teneur en fer lui vaut d'être prescrite par les médecins pour lutter contre l'anémie, et sa richesse en azote rend sa consommation crue populaire pour soigner la tuberculose. Elle est réputée donner des forces aux travailleurs manuels, présentée comme un produit tonique, prolétaire, plus sanglant que le bœuf et moins cher que ce dernier, d'où la popularité de l'expression « il a mangé du cheval » pour désigner les personnes pleines d'énergie.L'hippophagie finit par s'établir durant le dernier tiers du XIXe, les utilisateurs de chevaux de trait et de chevaux de guerre y voient un moyen de tirer de l'argent de leurs animaux réformés, les boucheries chevalines ouvrent principalement dans les régions ouvrières comme le Nord-Pas-de-Calais ou le XIXe arrondissement de Paris. Toutefois, l'hippophagie n'est pas unanimement adoptée : certains ouvriers la jugent malsaine, tandis que les paysans refusent souvent de se nourrir de la viande d'un animal qui est pour eux un compagnon de travail. De même, les classes aisées la refusent en raison de son association aux classes populaires, et de leur propre détention de chevaux comme animaux de loisir. C'est principalement la classe moyenne, composée d'artisans et de commerçants, qui se nourrit de viande de cheval. Entre 1895 et 1904, l'hippophagie augmente de 77 %. De 14 % en 1885, la part des chevaux qui finissent sur l'étal des bouchers passe à 73 % en 1905. L'hippophagie connaît son apogée vers 1911, et les premières importations de chevaux de boucherie commencent en 1913, les abattoirs français ne parvenant plus à satisfaire les demandes de la population. Après les années 1950, cette pratique alimentaire diminue régulièrement. L'utilisation du cheval pour le transport cesse complètement et seul l'animal de trait demeure élevé pour l'agriculture, tandis que le tracteur fait son apparition. La boucherie devenant la seule alternative pour les éleveurs de chevaux de trait français, ceux-ci, plutôt que de se spécialiser dans la production de bêtes à viande, revendent massivement leurs animaux aux abattoirs et s'orientent vers un autre type d'élevage. La France étant devenue « l'un des pays les plus hippophages du monde » (110 290 T.E.C. de viande consommées en 1964), en 1967, les droits de douane sont supprimés pour l'importation de chevaux de boucherie vivants depuis les pays de l'Est, ce qui pousse encore davantage les éleveurs de trait français à abandonner leur production. La même année, la viande de cheval est interdite dans les cantines et restaurants universitaires afin d'éloigner un éventuel risque sanitaire. Vers 1970, les neuf races de trait françaises sont menacés d'extinction et les progrès induisent un changement de statut du cheval qui, d'animal de travail quotidien lié à l'économie, est devenu un compagnon de loisirs et de vie, provoquant le rejet et dégoût de l'hippophagie. (sources : Wikipédia)
Ah, nous y voilà : les neuf races de chevaux de traits français sont menacés d'extinction. Et pour endiguer cette disparition progressive de ces magnifiques animaux, une solution a été trouvée : l'élevage. Sauf que pour qu'un élevage perdure, il faut qu'il soit rentable. Et n'en déplaise aux amoureux des chevaux : pour qu'un élevage soit rentable, soit on vend les chevaux pour en faire des champions (valables pour les chevaux de selle surtout), soit on les fait entrer dans le marché de la consommation de viande. Bien sûr, ce ne sont plus les chevaux de trait puissants d'autrefois, ils sont justement plus "mignons", mais au moins les races perdurent. Et si l'hippophagie avait diminué jusqu'en 2001, avec à cette époque les scandales de la trichinellose et des conditions d'abattage, depuis la création de l'interprofession de la viande chevaline en 2002, la consommation a augmenté de 0,5 % en 2006 et de 3 % en 2007, cette viande est à nouveau autorisée en collectivité, et les risques sanitaires sont désormais maîtrisés. 
Tiens, parlons-en de la santé. La viande de cheval est riche en protéines (en moyenne 20 g pour 100 g). Selon le centre d'information sur les viandes, elle permet ainsi d'apporter en quantité des acides aminés indispensables comme la leucine, la lysine et l'histidine Elle a une faible teneur en lipides (2 à 4 %). De plus, elle possède une grande proportion d'acides gras insaturés, dont certains ne peuvent être synthétisés par l'organisme. La viande a cette originalité d'apporter des glucides grâce à sa richesse en glycogène. Cela lui confère un petit goût sucré caractéristique. La viande chevaline est aussi particulièrement bien pourvue en vitamine hydrosolubles B12 mais aussi en vitamines B3 et B6.La viande chevaline est caractérisée par une haute teneur en fer (environ 4 mg/100 g). Ce fer, d'origine héminique, offre l'avantage d'être bien assimilé par l'organisme. Sa teneur en fer lui valait d'être prescrite par les médecins du siècle dernier pour lutter contre l'anémie.
Et le goût dans tout ça ? Et bien cette viande maigre d'une grande tendresse n'a besoin qu'une d'une rapide cuisson, ce qui fait que son goût, tout comme ses qualités nutritives sont exceptionnelles. Ajouter à cela son petit côté sucré, c'est une viande douce dans tous les sens du terme. Voilà pourquoi, depuis que j'y ai goûté, je ne veux plus arrêter d'ne manger, sous prétexte que les chevaux sont nos amis. Tout simplement parce que si je commençais à me priver de ce que j'aime juste à cause de considération pseudo-éthique, je finirais par ne presque plus rien manger ... Attention, je ne dis pas que je mange des OGM et autres cochonneries hein ! Je reste une bio-addict convaincue, je privilégie toujours le naturel au chimique, le local à l'importation. TOUJOURS. C'est pour cela que ma viande, que ce soit du boeuf, du lapin, ou du cheval, je la prend soit directement sur le marché, directement au producteur donc, soit chez un boucher que je connais et qui est transparent sur la provenance de la viande (actuellement, mon boucher ne vend que de la viande d'élevage de "grand standing" (la plupart des boeufs étaient des bêtes ayant eu des prix à des concours) et que des animaux élevés dans des conditions les plus proches possible du label bio). Local et naturel, non seulement parce que c'est plus sain, mais aussi parce que c'est plus économique et que ça me permet de manger bien sans trop me ruiner. Le tout en un de la boustifaille en somme ^^.
Maintenant, je finirais avec le chapitre sur le cheval, cette pauvre bête, qui finit dans notre assiette. Oui, d'où qu'il vient, le dada ? Alors oui, c'est vrai, au moins 1 cheval sur 3 abattu pour la consommation est un cheval de selle réformé (à la retraite donc, celui qui n'est plus monté, qui végète au fond d'un pré). mais attendez, il y a un mais.
Si les chevaux de trait sont majoritairement destinés à finir dans un rayon boucherie, il n'en va bien sûr pas de même pour les chevaux de selle. Seul le propriétaire du cheval peut décider si tel ou tel cheval finira ses jours dans un pré ou s'il finira dans une assiette. A tout moment, tous les propriétaires successifs d'un cheval peuvent décider que ce dernier, ne sera pas abattu à des fins alimentaires : cette information demeure à vie sur les papiers du cheval. De fait, ce n'est pas parce qu'un cheval blessé ou trop malade est abattu qu'il finira en steak : si le propriétaire ne veut pas qu'il soit introduit dans l'industrie alimentaire, il n'y sera pas, point. 
Pour conclure sur cela, sachez, vous qui condamnez ces vilains propriétaires qui envoient leur vieux gentil cheval à l'abattoir, que s'ils le font c'est bien souvent qu'ils n'ont pas le choix ! Oui, un cheval, ça coûte cher à entretenir. Quand il est apte à être monté, il peut être rentable (soit parce qu'on le met en demi-pension dans un club, soit s'il gagne des concours, des courses ...), mais un vieux cheval qui se contente de brouter dans son pré, concrètement, il ne sert qu'à faire joli. Alors quand on a les moyens de le garder dans un pré pour qu'il y passe ses derniers jours tranquillement, c'est formidable. mais quand on n'a pas les moyens, et bien on ne peut parfois rien faire de mieux que de le vendre pour abréger sa vie. oui, c'est triste, mais hélas, c'est la dure réalité de la vie. Et les cavaliers qui ne comprennent pas ça n'ont jamais du avoir à débourser pour leur chevaux, ou du moins pas suffisamment pour comprendre que parfois, on ne peut pas faire autrement. Sans compter que la vente des vieux chevaux favorise l'achat des plus jeunes, et ainsi cela permet de renouveler le cheptel national des chevaux de selle. A ça aussi il faut y penser !
Et là, vous vous dites "celle-là elle n'a pas de cheval à elle, ça se voit". C'est vrai. Et c'est vrai aussi que j'espère que lorsque j'en aurais un à moi je pourrais l'entretenir jusqu'à sa mort, mais contrairement à ce que vous pourrez penser, ce ne sera pas pour qu'il ne finisse pas en cuisine, mais simplement parce qu'un animal de compagnie, car c'est bien de cela qu'il s'agit, on veut le garder avec soi toute sa vie. Mais s'il advenait que je sois obligée de le vendre parce que je ne pourrais pas le garder près de moi, s'il s'avère qu'à ce moment là j'ai besoin d'argent, il se peut fort bien que je vende au plus offrant, et probablement donc à un abattoir. J'en suis consciente. C'est un choix que je suis déjà prête à faire. 
Voilà, mon petit plaidoyer pour la viande chevaline touche à sa fin, j'espère ne pas avoir choquer trop de monde, je m'en voudrais de causer une vague de syncopes ^^. Je conclurais donc simplement en disant que quoiqu'il arrive n'écouter que vous et vos envies, faites vous plaisir et mangez ce que vous aimez sans culpabiliser. Après tout, comme on dit, vous ne savez pas qui vous mangera, alors autant se faire du bien ^^.
Tiens, en parlant de ça, c'est quoi votre petit plaisir gustatif ?

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