Cela fait un petit moment que j'entends parler par bribes attrapées au coin d'un journal, de la radio, même la télé en fait ses reportages derniers cris : la femme, celle qui fait carrière, celle qui décide de ne pas avoir d'enfant, celle qui en a et qui se sacrifie pour sa progéniture, celle qui conquiert le pouvoir masculin et se conduit comme un homme avec tous ses côtés machistes ...
Jusqu'à cette discussion avec une parfaite inconnue.
Svelte, coupe à la garçonne, un visage marqué, très aminci mais harmonieux, une bouche fine, et rouge peint, un regard autre, plus rond, plus ample. Une jolie femme. Un sujet de discussion, mon fils, puis le sien.
"Mon fils a 14 ans. Je suis seule depuis 12 ans. Je viens de fêter mes 35 ans". Un pli un peu amer s'est formé au coin de sa jolie bouche rouge.
La voilà qui rebondit sur sa soif de tout conjuguer.
Sa soif... ou la nécessité.
Une part de travail alimentaire car il faut bien subvenir au principal et une part en freelance, pour le côté artistique de son travail. 3 jours l'un, 3 jours l'autre et du temps pour s'occuper de son fils. Je me reconnais en substance dans ce qu'elle me livre. Je sais. Je la regarde plus attentivement, je la trouve belle, elle affiche toute cette force qui force de plus en plus mon admiration pour la Femme en général et tapie en elle, cette fragilité qu'elle portera jusqu'au bout.
"Ca fait 12 ans que je vis seule avec mon fils, je n'ai pas envie de partager la vie que je nous ai faite avec quelqu'un d'autre".
Du bout des lèvres, elle me dit que c'est leur refuge. Qu'elle a du mal à faire confiance. Je la détaille et me dis que ce n'est pas possible qu'une femme comme elle soit seule ... Elle me rassure aussitôt en me disant qu'elle a eu des petits amis, qu'elle n'est pas "seule" vraiment, mais qu'un homme ne franchit pas cette intimité, ce refuge, ce cocon patiemment confectionné.
Et la phrase tombe : "On en devient des guerrières".
Des guerrières. Des amazones. Pas par choix. Par nécessité.
Cette phrase me fait penser à une intervention brièvement entendue, qui avait pour titre "la fin des Hommes ?" ou quelque chose d'approchant. Mon fils s'était écrié "Quoi ? Ca veut dire quoi maman ?".
Ca veut dire qu'actuellement, une femme n'a pas spécialement besoin d'un homme pour "vivre".
Dur constat. Amer. On est devenu des guerrières. Pour survivre. Survivre matériellement, survivre à la perte d'affection, à la trahison pour le plus clair des situations, survivre pour faire vivre ses enfants... quoi d'autre. Qui dit guerrière dit armure, blindage et porte close. On prend les travers des hommes et on en fait des étendards égoïstes.
Tout ça est malheureux et déséquilibré. Une femme a besoin d'un compagnon, a besoin d'affection, a besoin d'être rassurée, et je pense qu'un homme a tout autant besoin d'une compagne pour toutes ces choses.
Oui mais. Mais je lis ailleurs qu'il y a toujours des luttes de pouvoir entre homme et femme, sur les salaires, les positions sociales ... rien n'est d'équerre. Alors on se renforce.
Mon fils, toujours, me demandait pourquoi il y avait des différences dans les salaires que l'on soit un homme et une femme... Qu'il n'était pas du tout d'accord, qu'il ne comprenait pas. Peut-être que la nouvelle génération sera moins déséquilibrée ? Je leur souhaite.
Toujours est-il que cette petite phrase me hante depuis deux jours. "On en devient des guerrières".
Comment pourrait-il en être autrement ?
Et les hommes qui connaissent cette situation de père célibataire ? Ils ont quelle place ? Parce qu'ils souffrent également, parce qu'ils connaissent la même chose que nous, femmes.
J'ai du mal à tout saisir, j'ai du mal à trouver du sens, je sais juste que tout cela est en mouvement et débouchera sur des situations plus équitables.