Cette semaine, j'ai décidé de solliciter quelque peu mes neurones – et les vôtres par la même occasion – avec trois films sujets à réflexion, que celle-ci soit spirituelle (Cloud Atlas), politico-publicitaire (No) ou mystico-philosophique (À la merveille), mais aussi à débats puisque Terrence Malick et les Wachowski divisent la plupart des cinéphiles.
À ma grande surprise, j'ai d'ailleurs vécu un grand écart cinématographique assez spectaculaire, comprenez par là que j'ai eu à la fois un coup de cœur phénoménal pour un des trois films et qu'en revanche, j'en ai profondément haï un autre – qui malheureusement pour lui regroupe à peu près tout ce que j'exècre dans un long-métrage.
Alors, vous avez une petite idée ? Sans tricher hein. Quel film m'a bluffée ? Et quel film s'est attiré mes foudres ? Non, lâchez-moi cette souris, j'ai dit sans tricher !
- Cloud Atlas (Lana Wachowski, Tom Tykwer, Andy Wachowski)Une fresque hybride qui relate le tumultueux cheminement de plusieurs âmes à travers six époques différentes qui, elles-mêmes correspondent – rendent hommage ? – à un genre cinématographique spécifique (science-fiction, comédie, aventure etc). Cette profusion narrative repose sur un montage, ici exceptionnel, qui permet de relier ce flux d'historiettes a priori hétéroclites mais en réalité homogènes d'une part mais qui entretient également brillamment l'attention durant 2h45 (!) grâce à l'utilisation ingénieuse de cliffhangers. Le récit est toutefois, en conséquence, majoritairement lapidaire voire confus et requiert une concentration absolue qui finit par supplanter l'émotion. Résoudre ce fascinant puzzle enraye notamment tout attachement. Le traitement des différentes histoires est en outre assez inégal, certaines étant passionnantes, d'autres fastidieuses car déjà fort rebattues, idem pour les leitmotivs du film (le déterminisme, l'effet papillon et plus largement, l'unité cosmique des êtres dans l'espace-temps). Cette fable polyphonique aurait enfin gagné en qualité si elle ne s'était pas accompagnée d'une avalanche de bons sentiments. Une épopée visuelle et sonore ambitieuse, sublimée par un casting spectaculaire, "transformiste", mais certainement pas la révolution cinématographique annoncée. En deux mots : audacieux et indigeste.Le petit plus : Cloud Atlas est tiré du roman Cartographie des nuages de David Mitchell, que Folfaerie nous recommande vivement (et que je vais donc, personnellement, m'empresser de lire !).N'hésitez pas si :
- vous avez toujours adhéré à l'univers des Wachowski (Matrix, V pour Vendetta) ;
- vous désirez voir le premier film dans lequel plusieurs acteurs jouent cinq à six rôles différents ;
- vous êtes sensible aux thématiques abordées (réincarnation, âme sœur, effet papillon) ;
- votre esprit ne tolère pas – ou très mal – les scénarios sibyllins ;
- vous avez horreur des morales simplistes ;
- vous ne supportez pas Halle Berry (c'est l'un des personnages principaux alors ça risque de devenir assez vite horripilant pour vous) ;
- No (Pablo Larraín)
Une reconstitution minutieuse et édifiante des deux campagnes télévisées (Si ; No) qui ont vu le jour en 1988 au Chili, en prévision du référendum organisé par Augusto Pinochet sous la pression internationale. Grâce à l'utilisation de quatre caméras des années 1980 – choix qui incommodera peut-être certains spectateurs mais que j'ai personnellement trouvé extrêmement judicieux – No mêle avec brio image d'archives et plans fictionnels. Ce documentaire historique propose une analyse extrêmement précise et intelligente de la communication politique et décrypte, plus spécifiquement, la sémiologie de l'image. En somme, le "héros" de No va considérer la démocratie comme il considérerait une bouteille de Coca-Coca, c'est-à-dire comme un produit. Là réside d'ailleurs la troisième réussite du film : Gael García Bernal. Ce dernier campe en effet à merveille ce rôle de publicitaire à la vie de famille alambiquée et à la conscience politique progressive. Ni démagogique, ni mélodramatique, ni angélique comme le fut Lincoln par exemple, No relate la lutte entre deux équipes de communication avec une modestie honorable. Instructif mais pas fastidieux, il démontre comment la publicité est devenue une arme démocratique. En résumé, une brillante autopsie publicitaire mais aussi et surtout une ode touchante et grinçante à l'utopie. En deux mots : passionnant et ludique.
Le petit plus : afin d'accroître le réalisme de No, Pablo Larraín a intégré de vrais spots publicitaires dans le film – les autres résultent quant à eux d'une fidèle reconstitution. N'hésitez pas si :
- vous vous en savoir plus sur le Chili de la fin des années 80 (sous Pinochet) ;
- la sémiologie de l'image et la communication politique vous intéressent ;
- vous êtes fan de Gael García Bernal (il livre une fois de plus une excellente prestation, engagée qui plus est) ;
- À la merveille (Terrence Malick)
Pensum insipide qui interroge vaguement la passion : celle entre Marina (Olga Kurylenko), Jane (Rachel McAdams) et Neil (Ben Affleck) dans un premier temps et celle d'un prêtre (Javier Bardem) vis-à-vis de Dieu dans un second temps. Terrence Malick autopsie malheureusement les sentiments avec une écrasante banalité, depuis le coup de foudre jusqu'à la rupture, en passant par les multiples errances pour le triangle amoureux et depuis la vocation jusqu'à la crise de foi, en passant par l'égarement pour l'ecclésiastique... Faute de réels questionnements, À la merveille fatigue, lasse, ennuie. Hormis Marina, les personnages sont totalement désincarnés : en effet si Olga Kurylenko parvient à tirer son épingle du jeu, en revanche le fantomatique Ben Affleck manque cruellement de charisme. Quant à Rachel McAdams et Javier Bardem, ils sont bien trop secondaires pour marquer les esprits. L'absence troublante de dialogues entre tous ses personnages aurait pu être intéressante si elle n'avait pas été remplacée par une insupportable voix-off chargée de susurrer des préceptes mielleux à la Paulo Coelho. Les quelques jolies séquences du film sont enfin entachées par le nombre incalculable de plans soi-disant artistiques qui impliquent couchers de soleil, cheveux dans le vent et Marina en train de tournoyer sur elle-même. Un film donc faussement poétique, faussement mystique, faussement lyrique mais véritablement sans âme. Sans doute l'une des plus grande imposture cinématographique. En un mot : fuyez.En deux mots : niais et soporifique.Le petit plus : pourquoi À la merveille ? D'où vient ce titre nébuleux ? C'est simple, "la merveille" est le nom d'un bâtiment situé au Mont-Saint-Michel. Ok, mais quel rapport, me direz-vous ? Eh bien, la romance entre Marine et Neil y éclot, entre ciel et mer. N'hésitez pas si :
- vous êtes masochiste ;
- vous aimez les publicités pour parfums ;
- vous êtes membre de la secte Malickienne ;
- vous aimez les films avec des dialogues ;
- vous attendez une réflexion profonde sur la passion (amoureuse et religieuse) ;
- vous estimez Ben Affleck (c'est vraiment dur à accepter mais il est aussi bon réalisateur que mauvais acteur) ;
Verdict ?Vous l'aurez sans doute compris, je dis oui, mille fois oui à No et vous encourage fortement à faire de même. C'est – de loin – le meilleur film que j'ai vu depuis janvier 2013.
À vous de voir !