Auteur :Arnaldur Indridason.Langue originale :Islandais. Traduction : Éric BouryÉditeur : Points.Date de parution :2009.Pages :405.Prix :7,50€.
Ce qu'en dit l'éditeur
Il dormait au fond d'un lac depuis soixante ans. Il aura fallu un tremblement de terre pour que l'eau se retire et dévoile son squelette, lesté par un émetteur radio recouvert d'inscriptions en caractères cyrilliques à demi effacés. Qui est donc l'homme du lac ? L'enquête révélera au commissaire Erlendur le destin tragique d'étudiants islandais confrontés aux rouages implacables de la Stasi.
"L'enquête policière n'est chez Indridason qu'un prétexte à une réflexion souvent féroce sur la société islandaise, ses dérives et ses travers." Le Magazine littéraire
Qu'Arnaldur Indridason ait hérité du statut de maître du polar islandais n'est guère étonnant. Qu'importe en effet qu'on découvre pour la première fois les enquêtes du commissaire Erlendur ou qu'on les traque assidûment depuis le premier tome, on n'est nécessairement frappé par leur richesse infinie.
Et pour cause, L'homme du lac recouvre différents pays (Islande, RDA), différentes périodes (contemporaine, guerre froide) et différentes tonalités (politique, historique, sentimentale, sociétale). C'est donc un véritable melting-pot littéraire dont les chapitres lient deux intrigues a priori distinctes mais en réalité connexes.
D'un côté, nous suivons les traces d'Erlendur et de ses acolytes – Sigurdur Oli et Elinborg –, déterminés à identifier le squelette et les circonstances de sa mort, de l'autre, celles d'une communauté d'étudiants étrangers rassemblée par le parti communiste dans une université de Leipzig dans les années 1950 afin d'y jouir du meilleur des apprentissages.
Le récit alterne donc entre le présent, qui relate le déroulement, entre errances et découvertes, de l'investigation, et le passé, qui retrace le meurtre. Comme souvent dans les polars, cette double temporalité s'avère judicieuse car elle renforce le suspense. Toutefois, chez Indridason, le temps n'est pas qu'un outil narratif, il est également propice à la réflexion : "[c']est une partie très importante des histoires que je raconte, que ce soit son pouvoir destructeur ou son pouvoir de guérison" explique t-il entre autres lors d'une interview pour Evene.
Cette puissance équivoque du temps s'entrevoit plus spécifiquement dans les intrigues familiales, amicales et amoureuses qui rythment également L'homme du lac. Un des proches d'Erlendur est ainsi par exemple confronté à la maladie (pouvoir destructeur du temps) et une des connaissances de Sigurdur Oli, au pardon (pouvoir de guérison).
L'homme du lac est en outre un véritable pied de nez aux polars habituels. Arnaldur Indridason y prouve que les codes du roman policier moderne – escalade macabre, rythme haletant– peuvent être tronqués sans nuire à la qualité du genre. L'enquête est en effet dénuée de détails trashs et se déroule sur plusieurs mois ce qui rend la démarche des policiers nettement plus crédible.Le prologue tarde toutefois trop, à mon sens, à se mettre en place et aurait assurément pu – dû – gagner en concision. Autre (possible) bémol, le caractère éminemment politique de ce polar qui pourra refroidir certains lecteurs, notamment ceux que l'espionnage politique, la guerre froide et le communisme ne passionnent guère.
À la fois sociologue et historien, Arnaldur Indridason dépeint en effet les idéaux des jeunes communistes dans les années 1950 et révèle, en filigrane, le caractère totalitaire du modèle auquel ils ont été confrontés en RDA (principe de surveillance réciproque, Stasi, invasion de la Hongrie par des chars soviétiques etc).
En résumé, un roman policier étonnamment tendre, au rythme savamment pondéré mais aussi – et surtout ! – un polar social extrêmement documenté qui s'accompagne d'une réflexion passionnante sur l'idéal politique
Le petit plus L'homme du lac regorge d'informations sur l’histoire, la géographie, la littérature et la société islandaises. Savez-vous par exemple que tous les Islandais s'appellent non pas par leur nom mais par leur prénom, ce quel que soit leur statut ? À votre avis, existe t-il un service de renseignements dans cet état insulaire ? Et pouvez-vous nommer un lac qui se situe en Islande ? Autant de questions qui peuvent surgir au cours d'une partie de Trivial Pursuit (si, si, dans un TP spécial hémisphère nord qui n'est certes pas encore édité mais qui, euh, oui, bon, chut !) et vous faire rater le précieux camembert, à moins bien sûr que vous n'ayez lu les aventures du commissaire Erlendur Sveinsson !
N'hésitez pas si :
- vous souhaitez en savoir plus sur cette mystérieuse contrée qu'est l'Islande ;
- les thématiques abordées (l'espionnage politique, le communisme, la "surveillance réciproque") et la période traitée (guerre froide) vous passionnent ;
Fuyez si :
- vous trouvez les polars dénués d'adrénaline ternes et fastidieux ;
- vous avez déjà lu du Arnaldur Indridason et vous avez détesté (il reprend les mêmes ingrédients dans chacune de ses enquêtes donc votre sentiment ne risque pas d'évoluer) ;
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Le conseil (in)utile
Pour ceux qui, comme moi, ne font jamais ou du moins pas nécessairement les choses dans l'ordre, rassurez-vous, nul besoin de commencer par le premier tome pour comprendre L'homme du lac. L'enquête d'Erlendur Sveinsson est en effet totalement distincte des précédentes et les intrigues secondaires (familiales, amoureuses, amicales) sont quant à elles faciles à assimiler. Vous pouvez donc commencer par ce sixième volet les yeux fermés.
En savoir plus sur l'auteur
Bien que journaliste, scénariste et critique de cinéma pour le Morgunblaðið, Arnaldur Indridason est surtout connu pour être le maître du polar islandais. Il est en effet l'auteur de quinze romans policiers, dont La cité des jarres et La femme en vert, qui relatent tous sans exception les enquêtes de l'inspecteur Erlendur et de ses acolytes. Traduits dans (presque) toute l'Europe, ses romans rencontrent un succès fulgurant à chaque publication – nombre d'entre eux sont d'ailleurs des best-sellers. En 2002, Arnaldur Indridason a reçu le Prix Clé de Verre, en 2003, le prix de littérature policière scandinave, en 2005, le Gold Dagger Award et en 2008, le Prix du polar européen du Point (source wikipedia.org et evene.fr).Ce livre s'inscrit dans quatre de mes challenges (jackpot) : les 170 idées, le tour du monde, les 10 inconnus de ma PAL et le petit dernier en date, j'ai nommé, le challenge à tous prix.