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[À vous de voir !] Möbius, Lore ou Les Misérables ?

Publié le 28 février 2013 par Anaïs

"À vous de voir" revient avec le sensuel Möbius, le sophistiqué Lore et l'oscarisé Les Misérables – qui n'est toutefois pas un film selon moi et que je n'ai, en conséquence, pas pu noter
Semaine a-thématique donc car placée sous le signe de la diversité (des genres, des nationalités et des productions). Qui du thriller d'Eric Rochant, du drame de Cate Shortland ou encore de l'OVNI de Tom Hooper remportera mes suffrages ?
Allez, sans plus attendre, je mets fin à cet insoutenable suspense !

[À vous de voir !] Möbius, Lore ou Les Misérables ?
[À vous de voir !] Möbius, Lore ou Les Misérables ?
Möbius (Eric Rochant)
L'amour impossible entre une brillante tradeuse (Cécile de France) engagée par les services secrets américains pour duper un éminent oligarque (Tim Roth) et un agent secret russe (Jean Dujardin) dont l'équipe est elle aussi chargée de surveiller ledit oligarqueRetour en demi-teinte pour Eric Rochant qui livre un thriller certes ambitieux mais quelque peu confus. L'intrigue s'ancre en effet dans l'univers hautement complexe des marchés financiers et nécessite en ce sens une concentration absolue. La pluralité des langues qui s'enchevêtrent dans nombre de dialogues peut également embourber le spectateur. En revanche, l'histoire d'amour qui prend racine au cœur des palaces de Monaco est, elle, plus que réussie car sublimée par de magnifiques séquences (mention spéciale pour la troublante scène du coup de foudre) et un casting efficace : Cécile de France est en effet fascinante en beauté froide et Jean Dujardin, tout en retenue dans le film, parvient à faire oublier Hubert Bonisseur de La Bath. Quant à Tim Roth, il est impeccable, comme à son habitude. En résumé, un thriller sentimental disparate, qui aurait pu (dû !) gagner en simplicité et dont résulte, en conséquence, un film d'espionnage passable compensé – heureusement !  par un délicieux duel entre raison et sentiments.
En deux mots : opaque et voluptueux.Le petit plus : une belle surprise attend les sériephiles puisque Wendell Pierce aka l'inoubliable William Bunk dans The Wire – vous l'avez peut-être également vu dans Treme – fait une apparition aussi plaisante qu'inopinée dans Möbius !N'hésitez pas si :
  • vous aimez les films multilingues (vos oreilles auront ici affaire à de l'anglais, du français et du russe) ;
  • le tandem Cécile de France/Jean Dujardin vous intrigue (auquel cas je vous confirme qu'il fonctionne à merveille) ;
Fuyez si :
  • vous avez besoin de scénarios limpides ;
  • vous ne voyez pas l'intérêt d'une intrigue amoureuse dans un film d'espionnage ; 
[À vous de voir !] Möbius, Lore ou Les Misérables ?[À vous de voir !] Möbius, Lore ou Les Misérables ?Lore (Cate Shortland)Un drame initiatique au cours duquel cinq enfants sont contraints de traverser l'Allemagne d'après-guerre pour rejoindre Hambourg, où habite leur grand-mère, suite à l'arrestation de leurs parents – d'anciens hauts dignitaires nazis. Livrés à eux-mêmes, leur chemin croise finalement celui de Thomas, un juif rescapé des camps. Lore questionne, à travers la notion de confiance, l'impact de l'éducation et plus largement de l'héritage sur l'identité. L'aînée est ainsi continuellement tiraillée entre désir, reconnaissance et dégoût vis-à-vis de Thomas qui incarne ce qu'on lui a appris à haïr. Ce conflit intérieur permet donc une brillante autopsie de la psychologie nazie, vaincue ici : en effet, dans cette Allemagne en déroute oùles ravages du génocide sont peu à peu révélés, ces familles dévouées au Führer décédé voient leurs croyances complètement anéanties. La traversée de la forêt noire accélère donc le processus de maturité de Lore et permet son éveil à la culpabilité. Pour matérialiser sa destruction psychologique, Cate Shortland use d'une d'une photographie sublime, éminemment emprunte de poésie, à la fois réaliste et symbolique. En résumé, le récit sans fard de la lente extermination de l'innocence par la désillusion.En deux mots : sophistiqué et dérangeant.
Le petit plus : Loreest l'adaptation cinématographique 
d'une partie de l'intrigue de La chambre noire, le premier roman de Rachel Seiffert dont les lectrices et lecteurs avisés (n'est-ce pas ?) que vous êtes ont peut-être entendu parler (et que j'envisage de lire très prochainement, pour ma part)
N'hésitez pas si :
  • vous aimez les films soignés, esthétiquement et symboliquement parlant (chaque plan est magique !) ;
  • le thème vous intéresse (pendant la débâcle de l'après-guerre, la survie physique et psychologique d'enfants nés dans une famille nazie et livrés à eux-mêmes) ;
  • vous désirez découvrir de jeunes mais prometteurs acteurs (mention spéciale pour Saskia Rosendahl, la fameuse Lore) ;
Fuyez si :
  • vous avez besoin d'un minimum de rythme ;
[À vous de voir !] Möbius, Lore ou Les Misérables ?Adaptation cinématographique d'une comédie musicale (Les Miz),le dernier rejeton de Tom Hooperdoit être analysé non comme le long-métrage qu'il n'est pas, sous peine évidemment de n'y trouver que des défauts, mais comme l'OVNI qu'il est. J'ai donc choisi pour ma part de me concentrer uniquement sur la reconstitution de l'histoire ainsi que sur le casting et non sur la mise en scène ou encore la photographie.
Les Misérables (Tom Hooper)
En dépit de nombreuses ellipses (retranscrire Les Misérables en 2h30 n'est pas chose aisée) et de quelques fantaisies qui ne dénaturent en rien l'œuvre originale, le génie hugolien est palpable dans les divers personnages auxquels on ne peut décemment rester insensible et  également dans le rythme soutenu qui ne laisse poindre l'ennui à aucun moment (!), excepté durant la romance entre Cosette et Marius. À l'image sans doute de la comédie musicale dont il est l'adaptation, Les Misérables ne réussit que partiellement à retranscrire le lyrisme historique et social cher à Hugo : en effet si les paroles et les musiques donnent lieu à de vraies prouesses vocales – mention spéciale pour les chants collectifs  en revanche, les décors, souvent informatisés, nuisent totalement à l'atmosphère romantique. De même, les noms mal prononcés en anglais entachent la puissance émotionnelle des scènes. Le casting enfin est plutôt mitigé : si Hugh Jackman est étonnamment juste dans son interprétation et Samantha Barks absolument bluffante en Eponine, Anne Hathaway m'a semblé trop misérabiliste, Amanda Seyfried, anti-charismatique et les Thénardiers, trop "burtoniens" à mon goût. En résumé, un mélodrame chanté certes pas exempt de défauts mais pour le moins touchant.En deux mots : émouvant et lyrique.
Le petit plus : 
afin d'exacerber l'émotion, Tom Hooper a pris le risque de ne pas enregistrer les chansons en amont dans un studio pour ensuite les synchroniser au film et de faire chanter les acteurs en direct sur le plateau. 
N'hésitez pas si :
  • vous voulez redécouvrir cette fresque sociale sous un nouveau jour ;
  • l'extrait où Anne Hathaway chante I dreamed a dream vous a ému ;
  • vous ne connaissez pas Samantha Barks (c'est LA surprise du film et, selon moi, un talent à suivre de près) ; 
Fuyez si :
  • vous ne supportez pas les comédies musicales (vous êtes prévenus, Les Misérables, c'est 2h30 de chansons) ;
  • vous ne voulez pas que Russel Crowe baisse dans votre estime (bien que ce ne soit pas la première fois qu'il pousse la chansonnette, il n'est pas à la hauteur vocalement) ;
Verdict ? Si votre cinéma le diffuse – satanée distribution et satanée centralisation... !, courez-voir Lore qui réunit un nombre incommensurable de qualités (esthétiques comme scénaristiques) et qui a le mérite de "déranger", qualité fondamentale selon moi. Je serai en revanche moins unanime pour Möbius et Les Misérables qui eux, ne combleront je pense, que les amateurs du genre (soit respectivement thriller charnel et comédie musicale). 

À vous de voir !

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