Après un contrat qui a mal tourné à Londres, deux tueurs à gages reçoivent l'ordre d'aller se faire oublier quelque temps à Bruges. Ray est rongé par son échec et déteste la ville, ses canaux, ses rues pavées et ses touristes. Ken, tout en gardant un œil paternaliste sur son jeune collègue, se laisse gagner par le calme et la beauté de la cité.
Alors qu'ils attendent désespérément l'appel de leur employeur, leur séjour forcé les conduit à faire d'étranges rencontres avec des habitants, des touristes, un acteur américain nain tournant un film d'art et essai européen, des prostituées et une jeune femme qui pourrait bien cacher quelques secrets aussi sombres que les leurs...
Quand le patron finit par appeler et demande à l'un des tueurs d'abattre l'autre, les vacances se transforment en une course-poursuite surréaliste dans les rues de la ville...
Ne vous fiez surtout pas à la remarque éminemment beauf qui trône sur l'affiche ("La Belgique : ses moules, ses frites et ses tueurs à gages") et qui n'est absolument pas représentative du film, encore moins au titre français qui laisse plus ou moins présager une grossière pastiche de la franchise James Bond, Bons Baisers de Bruges n'a semble t-il pas été cerné par ses distributeurs.
Tragi-comédie hybride qui navigue entre la dérision et le burlesque, le drame psychologique et le thriller noir, le film est tour à tout drôle, cynique, touchant, barré, violent et absurde. Ce tour du monde des émotions résulte à mon sens des deux choix pour le moins inattendus:
- situer l'intrigue dans la Venise du nord de l'Europe, j'ai nommé Bruges, qui n'inspire (soyons honnêtes) rien à la grande majorité des personnes et peu ou prou au reste mais qui se révèle finalement être la destination idéale – car insolite – pour ce film.
- se concentrer sur les personnages plus que sur le récit : impossible alors de ne pas tomber sous le charme typiquement british (bien que les deux acteurs soient ici irlandais) du tandem composé par Brendan Gleesonet (figure paternelle protectrice) et Colin Farrell (inculte vulnérable) tous deux aussi désopilants qu'attachants.
Doté d'une narration originale, le film propose ainsi une fine analyse de l'être humain, loin des archétypes habituels, à travers (entre autres) les notions de libre arbitre, culpabilité et fatalité. Si le rythme du film, excessivement lent, donne lieu à de regrettables longueurs, BonsBaisers de Bruges n'en demeure pas moins un film de qualité, qui condense ton décalé et comique de situation jusqu'à son final dantesque.
En deux mots : sombre et insolite.Le petit plus : ce film a le mérite de nous faire (enfin de m'avoir fait en tout cas) découvrir la ville de Bruges, que je ne connaissais absolument pas et dont je suis tombée littéralement amoureuse. Plus puissant qu'une carte postale ou qu'une série de jolis clichés, Bons Baisers de Bruges s'avère donc être la meilleure publicité qu'il m'ait été donné de voir (jusqu'ici) pour une destination. Et un film qui donne envie de visiter musée, place ou encore basilique, c'est assez rare pour être souligné. N'hésitez pas si :
- vous aimez les scénarios caustiques ;
- vous avez particulièrement apprécié les dialogues décalés de 7 Psychopathes, le dernier film de Martin McDonagh ;
- vous voulez voir Colin Farrell en dépressif et Jérémie Rénier en brute épaisse stupide ;
- vous n'êtes pas sensible à l'humour anglais ;
- vous pensez voir un film d'action à l'américaine (c'est-à-dire, incroyablement rythmé) ;