Auteur :Khaled Hosseini.
Langue originale :Anglais.
Traduction :Valérie BourgeoisÉditeur : 10/18.Date de parution : 2009.Pages :414.Prix :22,90€.
Ce qu'en dit l'éditeur
Forcée d'épouser un homme de trente ans son aîné, Mariam ne parvient pas à lui donner un fils. Après dix-huit années de soumission à cet homme brutal, elle doit endurer une nouvelle épreuve : l'arrivée sous son propre toit de Laila, une petite voisine de quatorze ans. Enceinte, Laila met au monde une fille. D'abord rongée par la jalousie, Mariam va finir par trouver une alliée en sa rivale. Toutes deux victimes de la violence et de la misogynie de leur mari, elles vont unir leur courage pour tenter de fuir l'Afghanistan. Mais parviendront-elles à s'arracher à cette terre afghane sacrifiée, et à leur ville, Kaboul, celle qui dissimulait autrefois derrière ses murs, "mille soleils splendides" ?
Rares sont les livres qui portent admirablement bien leur nom. Mille soleils splendides est de ceux-là. Il a en effet ébloui, que dis-je, illuminé mon train-train quotidien de lectrice.
Difficile toutefois d'en parler sans avoir l'impression de le profaner tant les mots semblent creux, faux, à côté de ce sanctuaire littéraire.
Mille soleils splendides est une petite prouesse, un trésor de simplicité et d'humanité qui parvient à faire poindre, d'une histoire effroyable, un rayon de soleil salvateur. Mille soleils splendides est une œuvre poignante. De celle qui vous marque à jamais.
Khaled Hosseini y relate le quotidien de deux petites filles – puis femmes – qui tentent tant bien que mal de (sur)vivre dans un foyer régenté par la violence et un pays sclérosé par la guerre. C'est d'ailleurs là l'un des atouts du livre : l'auteur y partage ses connaissances sur la musique, la littérature, la cuisine mais aussi l'histoire endeuillée de l'Afghanistan entre l'invasion soviétique et la résistance des moudjahidine, l'établissement d'un gouvernement islamiste et son éviction en 2001 par une coalition internationale.
La force du livre réside toutefois avant tout dans le récit. Et par récit j'entends la plume de Khaled Hosseini qui est certes tout sauf singulière mais qui confère un rythme haletant et un souffle romanesque à l'histoire. Dès les premières pages ("Ouvre tes oreilles en grand et retiens bien la leçon : de même que l'aiguille d'une boussole indique le nord, un homme qui cherche un coupable montrera toujours une femme du doigt. Toujours"), il nous avertit : le futur de Mariam et Laila sera ombragé. Le talent de l'auteur se cristallise donc dans la narration qui maintient cette intensité dramatique du début à la fin. Bien que Mille soleils splendides soit une fiction romanesque, on ne peut toutefois pas occulter sa configuration implicite, à mi chemin entre le reportage, le documentaire et le témoignage. Au fil des chapitres, il est en effet impossible de ne pas penser à toutes les Mariam et les Laila qui peuplent cette planète car les personnages que décrit Khaled Hosseini avec une extrême finesse ne sont malheureusement que les miroirs d'une triste réalité, imprégnée de misogynie, de maltraitance et d'esclavagisme.
Ainsi, les lois édictées par l'Emirat islamique d'Afghanistan, qui font d'ailleurs écho au film Wadjda qui lui traite des conditions de vie des femmes saoudiennes, sont citées dans leur intégralité par l'auteur. On y apprend notamment que les femmes ne peuvent regarder un homme droit dans les yeux, se mettre en valeur (vernis, bijou, maquillage), travailler ou encore aller à l'école. Ce roman livre donc, en filigrane, une réflexion fort intéressante sur les relations entre les hommes et les femmes car il ne reflète pas seulement la violence physique et morale mais aussi la violence symbolique (chère à Bourdieu).Seul bémol, qui d'ailleurs fait que Mille soleils splendides ne peut (malheureusement) pas prétendre rejoindre Le monde de Sophie et la liste de mes coups de cœur : la quatrième et dernière partie (soit 40 pages à peu près) que je ne peux pas vous détailler sans vous révéler la fin mais que je juge inutile et, d'une certaine manière, préjudiciable puisqu'elle atténue la puissance dramatique du livre selon moi.
Quoi qu'il en soit, un roman sublime qui met en lumière deux destins entrecroisés qui finiront par n'en faire plus qu'un et qui, en parallèle, retrace l'histoire de l'Afghanistan de 1960 à nos jours. Un hommage déchirant aux milles soleils splendides*, qui, on le comprend peu à peu, désignent ces femmes prisonnières des carcans de leur religion, des murs de leur maison et des poings de leur bourreau.
*Cette expression est extraite d'un poème de Saib-e-Tabrizi (XVIIème siècle) :
"Nul ne pourrait compter les lunes qui luisent sur ses toits,Ni les mille soleils splendides qui se cachent derrière ses murs."
Le petit plus
Avis aux apprentis linguistes, certains mots ne sont volontairement pas traduits en français ce qui permet de rendre le récit encore plus authentique sans pour autant entacher la compréhension du lecteur qui peut, à l'aide du contexte, facilement en déduire le sens. De quoi se concocter un petit lexique donc, avant (pourquoi pas ?) de se lancer dans l'apprentissage de cette très jolie langue qu'est le persan !
N'hésitez pas si :
- la condition de vie des femmes en Afghanistan vous intéressent ;
- vous recherchez une lecture bouleversante, qui vous marquera à vie ;
- vous ne connaissez pas ou peu la culture afghane (c'est l'occasion !) ;
Fuyez si :
- vous n'avez jamais aimé les histoires romanesques (il ne faut jamais dire jamais !) ;
- vous êtes hypersensible à la violence (je dois reconnaître que le livre baigne dans une brutalité tant physique que morale assez insoutenable) ;
Le conseil (in)utile
Si pour diverses raisons vous êtes devenus réfractaires aux médias* mais que, pour autant, vous aimeriez en savoir plus sur l'histoire et l'actualité récente de l'Afghanistan, sachez que Mille soleils splendides est l’alternative idéale.
*Cochez la bonne réponse :
A. vous faites une overdose de Claire Chazal. B. vous ne pouvez simplement plus gérer cette surinformation constante. C. vous préférez vous doucher en écoutant de la bonne musique plutôt qu'un flot ininterrompu de mauvaises nouvelles.En savoir plus sur l'auteur
Khaled Hosseini est la preuve vivante qu'il n'y a pas de parcours type pour devenir écrivain (et un bon écrivain, de surcroît) : médecin de profession, il publie en 2003– soit bien après la fin de ses études scientifiques – son désormais célèbre Les Cerfs-volants de Kaboul que vient étayer, quelques années plus tard, Mille soleils splendides. Bien qu'il habite en Californie depuis 1980, date à laquelle sa famille a obtenu le droit d'asile, Khaled Hosseini demeure très attaché à ses racines (il est né à Kaboul en 1965) et au peuple afghan. Il a d'ailleurs travaillé un an en tant qu'émissaire des Etats-Unis auprès du UNHCR, le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (source : wikipedia.org et evene.fr).Ce livre s'inscrit dans deux de mes challenges : les 170 idées et le tour du monde.