[À vous de voir !] Passion, Flight ou Gangster Squad ?

Publié le 14 février 2013 par Anaïs

Rassurez-vous, en ce 14 février, je vous épargne la traditionnelle (et désormais affreusement banale à mon sens) sélection de comédies romantiques (que vous pourrez toutefois retrouver sur 90% des blogs si cela vous intéresse) et vous invite plutôt à découvrir trois films qui secouent

Après tout, n'est-ce pas là l'essence de l'amour ? Être ébranlé ? Bousculé ? Égaré ? C'est en tout cas le point commun entre Passion, Flight et Gangster Squad qui, tour à tour, et sans que jamais les petits béguins des personnages respectifs ne prédominent, angoissent, surprennent et divertissent.




Passion (Brian De Palma)
À l'inverse de Crime d'amour, le film d'Alain Corneau dont il s'inspire, Passion est un polar captivant qui décrypte les relations tourmentées entre trois femmes (dont la bluffante Rachel McAdams qui aurait d'ailleurs mérité d'être nommée aux Oscars) et un homme à la lumière des obsessions chères à Brian de Palma : la dualité d'une part, en témoigne l'utilisation du split-screen (écran coupé en deux) ou encore la notion de gémellité suggérée par le personnage de ladite Rachel McAdams, le regard et le pouvoir de l'image d'autre part puisque l'action se situe dans une agence publicitaire et qu'y prédominent Skype (et donc webcams), écrans de télévision, d'ordinateur et de portable. Passion interroge donc notre société "surtechnologisée" : ce que l'on voit est-il nécessairement vrai ? Si la première partie du film, qui établit la hiérarchie des personnages, entre attirance et répulsion, domination et humiliation, pourra en lasser plus d'un, la deuxième en revanche, qui anéantit la frontière entre le vrai et le faux et nous fourvoie complètement, va crescendo et finit en apothéose avec un épilogue étourdissant. Une relecture riche en frissons hitchcockiens, sublimée par la musique de Pino Donaggio et donc réussieEn deux mots : machiavélique et vertigineux.
Le petit plus : le chef-opérateur de Passion n'est autre que José Luis Alcaine, le directeur de la photographie habituel de Pedro Almod
óvar.
N'hésitez pas si :

  • vous appréciez tout particulièrement les ambiances hitchcockiennes ;
  • à vos yeux, le kitch a son charme (on croirait en effet parfois voir un vieux téléfilm) ;
  • vous aimez les films qui font réfléchir ; 
Fuyez si :
  • vous n'aimez pas Brian de Palma (il revisite ses thématiques fétiches alors il y a peu de chances que vous changiez d'avis !) ; 
  • vous avez eu votre dose de films qui explorent la frontière entre réalité et illusion ;

Flight (Robert Zemeckis)Le destin hors du commun d'un pilote d'avion qui, en dépit d'une faille mécanique qui aurait dû être fatale, parvient à sauversous l'emprise de l'alcool et de la cocaïne,la quasi totalité des passagers de son volet devient tour à tour, demi-dieu et bouc émissaire. L'enquête qui vise à déterminer le coupable (le pilote, les sous-traitants, la compagnie aérienne ?) n'est en fait qu'un prétexte pour explorer les notions d'héroïsme et de manichéisme. Si la première partie du film et plus spécifiquement le crash de l'avion, d'un réalisme à couper le souffle, s'avère particulièrement réussie, malheureusement, Flight se perd ensuite dans une histoire d'amour futile, un procès convenu et un dénouement moralisateur. La nudité, le sexe et la drogue ne suffisent pas en effet à estomper l'atmosphère profondément puritaine du film. Une surenchère regrettable de pathos autour de la notion de repentir occulte enfin totalement la problématique la plus intéressante de Flight : aurait-il pu sauver ces passagers sans être ivre et drogué ? Un mélo un brin décevant donc, sauvé par une excellente bande originale et une inoubliable prestation de Denzel Washington, nommé à juste titre aux Oscars pour ce rôle éminemment complexe.En deux mots : réaliste et moralisateur.
Le petit plus : il semblerait que Flight se soit inspiré d'une histoire vraie, celle de Robert Piche, un pilote canadien qui 
commandait l'Airbus A330assurant la liaison entre Toronto et Lisbonne et qui réussit brillamment à poser l'avion en difficulté sur la piste de la base de Lajes (Açores) en 2001, sauvant ainsi ses 300 passagers. Il fut érigé en héros avant que son passé de criminel ne soit découvert et ne divise l'opinion publique.

N'hésitez pas si :
  • vous êtes fan de Denzel Washington ;
  • vous commenciez à désespérer de voir un crash d'avion réussi depuis Lost ;
Fuyez si :
  • vous ne supportez pas les films truffés de bons sentiments ;
  • vous exécrez les "rehab-movies" ;
Gangster Squad (Ruben Fleischer)
Une immersion testostéronée dans une escouade de flics qui s'évertue, en 1949, à détruire l'empire de l'impitoyable Mickey Cohen qui dirige et terrorise leur Cité des Anges. Gangster Squad est manichéen, prévisible mais pas raté pour autant puisque sensiblement parodiqueRuben Fleischer force en effet volontairement les traits de ses personnages (le héros incorruptible pour Josh Brolin, le rebelle au grand cœur pour Ryan Gosling etc) et use de son habituel sens de la dérision pour démystifier un genre devenu classique : le film de gangsters. Par ailleurs, si l'on omet l'utilisation quelque peu abusive (car volontairement caricaturale là encore) des ralentis, les scènes d'action (bagarres, fusillades ou encore courses poursuites) sont excellentes. Le casting enfin est efficace, y compris les seconds rôles(mention spéciale pour Mireille Enos, la flic glaciale de The Killing, méconnaissable ici en tant qu'épouse rangée), seul ombre au tableau, Sean Penn qui, à trop singer ses aînés, perd toute crédibilité. Un divertissement hybride qui nous plonge dans le glamour des fifties avec humour et entrainEn deux mots : stéréotypé et récréatif.
Le petit plus : Gangster Squad marque les retrouvailles entre Ryan Gosling et Emma Stone d'une part, que vous avez en effet peut-être déjà vus dans Crazy, Stupid, Love et entre Sean Penn et Josh Brolin d'autre part qui ont quant à eux tous deux joué dans Harvey Milk

N'hésitez pas si :

  • vous recherchez un film d'action correct, sans prétention ;
  • vous appréciez le second degré ;
  • vous n'êtes pas insensibles au charme de Ryan Gosling ; 
Fuyez si :
  • vous êtes à la recherche d'un film de gangsters "classique", dans la lignée de Scarface ou du Parrain ;
  • vous aimez les personnages aboutis dont la psychologie est recherchée, travaillée ;
  • les films avec des fous de la gâchette, très peu pour vous ;
Verdict ?Un coup de cœur pour l'inquiétant Passion dans lequel Brian de Palma désoriente habilement son spectateur – être manipulée ne m'a jamais semblé aussi jouissif. Les amateurs de films d'action (et/ou groupies de Ryan Gosling) devraient quant à eux trouver le bonheur au milieu des borsalinos et des fusillades de Gangster Squad. Quant à Flight, m'est avis, en dépit d'un scénario éminemment consensuel qui m'a personnellement rudement agacéequ'il pourra combler la majeure partie des spectateurs et notamment les fans de Denzel Washington.
À vous de voir !