[À vous de voir !] Shadow Dancer, Wadjda ou L'ivresse de l'argent ?

Publié le 07 février 2013 par Anaïs

God bless ma carte UGC illimitée qui m'a offert cette semaine ce que ma carte bleue ne peut se permettre à savoir un voyage en Irlande (Shadow Dancer), en Arabie Saoudite (Wadjda) et en Corée du sud (L'ivresse de l'argent)

Un tour du monde cinématographique placé sous le signe de la diversité donc avec notamment deux films plutôt sombres, qui traitent des faux-semblants (Shadow Dancer et L'ivresse de l'argent) et un film résolument optimiste centré lui sur la condition féminine (Wadjda). 



Shadow Dancer (James Marsh)
Une plongée réaliste au cœur d'une famille composée d'activistes de l'IRA et plus spécifiquement au cœur de la vie de Colette qui suite à un attentat manqué, va se retrouver dans le collimateur du MI-5. Mac, un agent britannique incarné par Clive Owen lui propose alors un ultimatum : 25 ans de prison (et donc une séparation fatale avec son fils) ou quelques mois en tant qu'indic. Au péril de sa vie, Colette s'engage donc sur les sentiers périlleux de l'espionnage dans le Belfast des années 1990. Adapté du livre éponyme de Tom Bradby (scénariste du film), Shadow Dancer livre une réflexion subtile sur la trahisonDialogues et mise en scène sont volontairement épurés voire aseptisés. A l'opposé des thrillers testostéronés, bien souvent bourrés de scène d'action, le film se démarque par sa relative lenteur. D'une platitude parfois déconcertante, le rythme dénote en effet jusqu'aux dernières minutes où l'on assiste à un revirement aussi soudain qu'inopiné. Pas de frissons donc mais un merveilleux coup de poker qui apporte finalement ce qui manquait jusque là au film : de l'hardiesse. En deux mots : équivoque et glacial.
Le petit plus : un melting-pot plutôt original chez les acteurs secondaires puisqu'on retrouve le redoutable Petyr Baelish de Game of Thrones (Aidan Gillen) mais aussi, pour le plus grand plaisir des fans de X files, Dana Scully (Gillian Anderson) et enfin, last but not least, Bill Weasley d'Harry Potter (Domhnall Gleeson).
N'hésitez pas si :

  • vous aimez les thrillers psychologiques ;
  • vous ne connaissez pas Andrea Riseborough (ne passez pas à côté de ce diamant brut !) ;
  • voilà bien longtemps qu'un film ne vous a pas scotchés sur votre siège ; 
Fuyez si :
  • vous pensez voir un film extrêmement documenté sur l'IRA ;
  • vous avez horreur des mises en scène sobres ;


Wadjda (Haifaa Al Mansour)
Les désirs d'émancipation d'une jeune fille de douze ans (Wadjda) dont le rêve (faire du vélo avec son ami Abdallah) se heurte à l'incompréhension de ses proches d'une part et aux diktats nationaux d'autre part (le vélo est interdit aux femmes). Au-delà des tribulations de Wadjda et de son opiniâtreté formidable, on suit également les amours contrariés de sa mère (qui n'arrive pas à donner un fils à l'homme qu'elle aime). Un regard simple (et non simplet), sans fioritures sur l'Arabie Saoudite et un état des lieux subtil du quotidien des femmes au Royaume. Difficile en effet de ne pas être atterré par le peu de liberté dont disposent (et s’accommodent, habitude oblige) ces femmes qui ne peuvent par exemple pas conduire et donc se rendre à leur travail sans chauffeur ou qui craignent pour leur réputation si elles choisissent un emploi où hommes et femmes se côtoient. En résumé, un plaidoyer courageux dans lequel Haifaa Al Mansour soulève des questions épineuses avec humour et délicatesse. En deux mots : espiègle et percutant.Le petit plus : c'est le premier long-métrage saoudien tourné en Arabie Saoudite (et non dans les pays limitrophes comme à l'accoutumée) mais aussi et surtout le premier long-métrage saoudien réalisé par une femme ! 
N'hésitez pas si :

  • vous désirez en savoir plus sur la condition féminine en Arabie Saoudite ;
  • vous aimez l'humour décalé et les répliques piquantes ; 
  • vos oreilles sont sensibles aux chants religieux (le Coran est psalmodié à plusieurs reprises dans le film et c'est tout bonnement magnifique !) ;
Vous noterez l'absence de mon habituel "Fuyez si". Je précise que ce n'est pas un oubli mais un choix volontaire car il n'y a absolument aucune raison de fuir cette pépite !

L'ivresse de l'argent (Im Sang-Soo)Le récit initiatique d'un homme (Youngjak) qui travaille au service de la richissime famille Baek et qui devra, au fur et à mesure qu'il grimpe les échelons de la hiérarchie sociale, choisir entre vertu et pouvoir. A travers cette relation maître/valet, c'est donc une satire de la haute bourgeoisie sud-coréenne que dresse Im Sang-Soo. Harpagon est ici incarné par une femme diabolique (Yun Yeo-Jung), gangrenée par la vicissitude de l'argent. Son opulence transparaît majoritairement dans les décors somptueux qui tendent (volontairement ?) à asphyxier le film. Luxure et raffinement sont contrebalancés parl'ignominie des personnages qui multiplient les coups bas et révèlent peu à peu leurs plus noirs secrets. Le manichéisme des personnages (l'héros intègre face aux élites capitalistes) constitue le point noir du film mais est compensé par une sublime mise en scène. Si le film n'évite donc pas les écueils scénaristiques, il est en revanche techniquement (et esthétiquement) irréprochable. Une personnification des notions de culpabilité, dédain et humiliation qui confirme que l'argent ne fait pas le bonheur.En deux mots : troublant et sophistiqué.
Le petit plus : le film a nécessité plus de 100 000 billets (la moitié de 50 dollars et l'autre de 100 dollars), tous fabriqués afin d'obtenir un total de 7,5 millions de dollars. Rien que ça ! N'hésitez pas si :
  • vous aimez les films qui bousculent, qui dérangent ;
  • vous désirez voir Kim Kang-Woo dans un rôle aux antipodes de celui qu'il joue dans le drama Story of a man (The Slingshot) ;
Fuyez si :
  • vous ne supportez pas les films manichéens ; 
  • à vos yeux, le scénario est primordial et l'esthétique, elle, secondaire ;

Verdict ? Une escale Wadjda s'est vivement démarquée par sa fraîcheur (un beau paradoxe quand on connait la température moyenne qu'il fait en Arabie Saoudite) au cours de ce périple. Toutefois, mon incursion cinématographique aux quatre (oui, bon, trois ici) coins du monde s'est révélée, dans sa globalité, fort enrichissante. Je vous recommande donc également Shadow Dancer et L'ivresse de l'argent.

À vous de voir !