Ghislain Waterlot, professeur de philosophie

Publié le 21 mars 2013 par Stella

J'ai beaucoup hésité avant de rédiger cette note : allais-je parler de cet homme en usant de l'affectueux sobriquet dont mes amies et moi-même l'avons doté ? Le laisserai-je par conséquent dans un anonymat propice à tous les récits, mais qui m'empêcherait de rendre un hommage mérité à son œuvre et à lui-même ? Décidément non. Ainsi puis-je vous brosser aujourd'hui une brève esquisse de Ghislain Waterlot, professeur ordinaire de philosophie et d'éthique à l'université de Genève, auteur de nombreux livres et orateur hors pair. Il compte également au nombre de ses mérites - et ce n'était pas une mince affaire - le fait d'avoir réconcilié ses étudiantes avec cette discipline en leur disant de ne pas avoir peur de Kant ni de Bergson, en leur expliquant avec des mots simples ce qu'était la pensée de Platon ou d'Aristote bref, en faisant œuvre d'enseignant, ce qui n'est pas si fréquent.

Le 20 mars dernier, Ghislain Waterlot était invité à faire une conférence à la Faculté catholique de théologie et de philosophie de Lyon, qui recevait ce jour-là, pour une journée interdisciplinaire, son homologue - publique, autonome et protestante - de Genève. Thème des débats : "Rendre témoignage à la vérité". Il faut le dire : la matinée avait été considérablement plombée par un monocorde monologue, extrêmement savant, durant plus d'une demi-heure de Mgr Pierre Gire. Intitulée sans surprise "Témoignage et vérité", son intervention avait assommé l'auditoire pour le compte. De temps à autre, le mot "épistémologie" surgissait dans son discours, rappelant à la centaine de malheureux - moyenne d'âge : 65 ans - coincés dans une salle sans air qu'ils en avaient pour la journée... Au misérable vermisseau qui avait osé une question que seule la plus allumée des bonnes sœurs aurait pu qualifier de "révolutionnaire", Mgr Gire avait opposé une fin de non-recevoir : "Je ne vais pas refaire ma conférence". Ah non, pitié Seigneur !

Même le Pr Enrico Norelli, pourtant brillant dans son analyse de "Jésus devant Pilate" n'est pas parvenu à dérider les visages.

L'après-midi fut d'une eau toute différente. "Prendre le risque de la vérité" selon Ghislain Waterlot emporta d'emblée l'adhésion d'un amphithéâtre resté sur sa faim, malgré la tarte aux pommes. Selon son habitude, il a exposé son propos avec simplicité et, disons-le tout net, un brin de malice... La vérité a de multiple aspects : est-elle toujours bonne à dire ? Face à cet ensemble de prêtres, de séminaristes et autres docteurs pour lesquels les femmes sont, au mieux, étrangères, il a cité comme premier exemple l'adultère : si vous apprenez qu'une de vos amie est trompée par son mari, que faites-vous ? Lui dire, au risque de la faire souffrir, ou le lui cacher, au risque de trahir sa confiance ? Et la mort ? Un médecin doit-il avouer à son malade qu'il est perdu ? Ou bien lui "voler sa mort" en ne lui révélant rien de la gravité de son cas ? Déjà, tous s'interrogeaient. Problème d'éthique... "Mais ce n'est pas le seul risque, enchaîna alors Ghislain Waterlot, vous connaissez certainement la chanson de Guy Béart..." Et d'une voix douce et extrêmement juste, il entonna : "Le premier qui dit... la vérité..." et là, magie du souvenir, la salle continua mezzo voce : "... il doit être exécuté..."

Comment, dans ces conditions, ne pas emporter l'adhésion ? Les sourires s'étalèrent sur les visages, même les plus chafouins. Mgr Gire lui-même...

Je reviendrai certainement, dans l'une ou l'autre de mes notes, sur l’œuvre de Ghislain Waterlot dont j'ai, d'ailleurs, chroniqué l'un des livres sur le site de vente en ligne amazon.fr. Je souhaitais juste vous permettre de faire sa connaissance. Ainsi serez-vous mieux en mesure d'apprécier la suite !