À propos d' Alexandra de Sokourov.
L’idée est simple et sidérante, qui consiste à promener une vieille dame un peu ronchon dans le camp de base des troupes russes à Grozny, où elle vient rendre visite à son petit-fils, lui-même commandant d’élite. On la voit ainsi pointer son museau de vieille souris dans les cantonnements de ces jeunes gens, sur leur terrain d’exercice, au travail de nettoyage des armes. Ils sont là torse poil, vingt ans pour la plupart, tendre chair et face de gamins, et elle leur tourne autour, leur pose quelques questions, les morigène quand ils sont malpolis ; et de même reproche-t-elle à Denis, son petit-fils rentrant de mission, d’être sale. Mais on sent chez elle une immense tendresse, et les gars la respectent comme la mère de toutes les Russies. Séquence saisissante: quand la vieille dame descend, par la tourelle trop étroite pour elle, dans les entrailles métalliques d'un char d'assaut !
Puis, du camp russe, Alexandra s’échappe vers le marché de la ville, où elle va acheter des bricoles aux soldats et tombe sur une vieille Tchétchène, ancienne prof, avec laquelle elle fait tout de suite amie-amie. A un moment donné, il fait chaud comme dans une four, elles sont là dans l’appart de la Tchétchène, au milieu d’un immeuble à moitié effondré, à parler de leur vie et de cette conne de guerre que se font les hommes. Cela ne se décrit pas. Dans le rôle d’Alexandra, Galina Vichnevskaya, la fameuse cantatrice veuve de Rostropovitch, est bonnement admirable. Pas un instant on ne penses à la diva : c’est Alexandra, la vieille Russe traînant sa charrette de misère et de souvenances...
Ce film est disponible sur DVD.