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Vous êtes ensemble?

Publié le 27 mars 2013 par Mari6s @mari6s

Il y a environ un mois, je me baladais dans Paris, bras-dessus bras-dessous avec l’une de mes meilleures amies. Nous nous arrêtons à une intersection, quand un passant nous interpelle :

« Vous êtes ensemble ?

Je me retourne et le regarde, pas sûre qu’il s’adresse à nous et un peu lente à la comprenette.

- Vous êtes ensemble ? insiste-t-il, ponctuant sa question d’un geste de menton évocateur.

Je retrouve mon souffle juste à temps pour lui répondre :

- Et alors ? »

Ce qui lui inspire un ronchonnement dont je n’entends que « pas normal » avant que nous poursuivions notre chemin.

Non mais de quoi je me mêle ? On n’a plus le droit de se promener tranquille ? Je veux bien que les modifications en cours dans la loi en démangent certains, mais là tu pousses vraiment le bouchon un peu loin, Maurice ! Comme vous l’aurez compris cet échange m’a mis un rien en rogne. Parce que là j’ai fait la fière, on était dans une rue bien fréquentée, mais dans certains quartiers à certaines heures, suffira-t-il bientôt de marcher avec un ami du même sexe pour se faire tabasser ? C’est une pente glissante quand on commence à se préoccuper non seulement des droits des gens dans la sphère publique mais de leur vie privée – d’accord, nous sommes peut-être tombées sur un con (enfin pas juste peut-être en fait), mais ma question c’est : si je m’étais baladée de la même façon avec un homme à mon bras, m’aurait-on également interrogée sur la nature de notre relation ?

Cette anecdote me précipite donc dans le débat du mariage pour tous (vous ne trouvez pas drôle cette manie de rebaptiser les choses comme ça, malvoyant, technicienne de surface, croissance négative… ? je veux bien croire que ça change le point de vue des gens, mais c’est bien triste qu’on s’arrête aux mots) dont je n’avais pas encore parlé ici. Principalement parce que je ne suis pas sûre d’avoir grand-chose à apporter au débat, qui me paraît bien trop bipolarisé pour être honnête – ou productif.

En effet j’ai la fâcheuse impression que la plupart des gens ont une opinion solidement ancrée sur le sujet, alimentée d’évidences. J’avoue que je n’ai pas ces certitudes. Eliminons tout de suite l’aspect mariage en lui-même : je ne vois vraiment pas le problème ! Mais bien sûr l’essentiel du débat porte sur ce qui en découle apparemment (ou pas ?) : la filiation, l’adoption, sans même aborder la PMA et la GPA (Procréation Médicalement Assistée et Gestation Pour Autrui). La façon dont le débat nous est présenté à la télé et par les politiques me semble opposer d’un côté ceux qui disent qu’il est évident que cela ne change rien pour des enfants d’être élevés par des homosexuels ; et de l’autre, ceux qui disent que bien sûr cette loi met en danger la famille traditionnelle (famille traditionnelle qui a bon dos quand on voit le nombre de divorces et de familles monoparentales). Alors bien sûr les esprits s’échauffent. Pas étonnant, après tout c’est comme ça sur de nombreux sujets en politique, ce qui à mon avis découle de cette manie qu’ont nos représentants élus de considérer le dialogue comme le fait de parler jusqu’à avoir convaincu l’autre d’adopter la « bonne » opinion, la nôtre. Sinon on décide à leur place (je pense notamment aux commentaires effarants faits par ceux qui défendaient la Constitution Européenne en 2005, une fois le « non » voté, et qui en gros se résumaient à un mea culpa pour avoir « mal expliqué » ce texte – en résumé, les Français n’auraient jamais pu être contre s’ils avaient bien compris… d’après moi, et sans a priori de ma part sur cette fameuse Constitution que j’étais trop jeune pour comprendre à l’époque, c’est d’une arrogance sans nom, et dangereuse, car cela mène à penser qu’il n’y a sur tout sujet qu’une seule opinion « correcte » que tous les citoyens devrait partager s’ils n’étaient pas si cons…)

Bref. Revenons à nos moutons. Sur le sujet des enfants, j’avoue mon ignorance. Je n’y connais pas grand-chose si ce n’est les exemples d’éducation autour de moi. J’ai été élevée dans ce fameux modèle « traditionnel », avec un papa et une maman et des grands-parents très présents par-dessus le marché. Mais je connais des gens pas moins stables que moi (et je ne m’érige en aucun cas en exemple de stabilité ;p) qui ont grandi dans une famille monoparentale, connu une ou plusieurs séparations de leurs parents, élevés par leurs grands-parents ou toute une ribambelle de frères et sœurs. Et ceux qui s’y connaissent, les fameux « experts » cités à tout bout de champ, psys et compagnie, se déchirent à ce sujet et ne font donc pas une boussole très efficace !

Un enfant a-t-il besoin de modèles féminins et masculins pour se développer « correctement » ? Je veux bien l’admettre. J’avoue que j’ai personnellement tendance à me concentrer sur les différences entre individus plus qu’entre genres : je considère que plus on a de modèles différents (les parents assurant tout de même la cohérence du message pour éviter à l’enfant d’être écartelé), mieux on peut « décider » de ce que l’on sera. Le modèle Freudien de l’indispensable complexe d’Œdipe me paraît dépassé, avec ses rôles définis par genre de façon qui me semble caricaturale.  Je ne dis pas qu’homme et femme sont identiques (quoique je m’interroge sur la part d’acquis et d’inné dans cette histoire…), mais j’affirme que les différences entre personnalités sont bien plus fondées sur l’éducation, les expériences etc. Il y a des familles où c’est la maman qui punit et le papa qui fait des câlins, la maman qui travaille tard et le papa qui fait la cuisine – et infiniment plus de familles où les deux se partagent ces rôles plus ou moins équitablement. Personnellement, j’ai des parents plutôt casaniers (eh oui ça me vient de là), mais aussi un parrain extrêmement sociable (ce qui m’épuise souvent mais me pousse aussi à moins rester dans mon coin). Ce dernier ne m’a pas tant servi de modèle masculin alternatif que de modèle d’un fonctionnement différent à ajouter dans l’équation de la vie.

Ensuite, il faut aussi se poser la question du traitement qui serait réservé aux enfants d’homos à l’école. Les enfants sont méchants, je ne vous l’apprendrai pas. Les ados peut-être plus encore. Il suffit de différences bien moins marquées pour déchaîner leur imagination sadique. Cela doit-il arrêter l’évolution de la loi ? Serait-il plus judicieux d’attendre que le mariage entre deux hommes ou deux femmes rentre dans les mœurs, que les gens s’y habituent ? S’y habitueront-ils un jour ? Les dommages psychologiques sur ces enfants seraient-ils si graves – après tout on n’empêchera jamais les enfants d’être méchants dans une certaine mesure, et est-il plus grave de « causer » la détresse d’enfants en autorisant leur adoption ou procréation assistée par des homosexuels, que de « causer » celle des intellos ou des cancres en autorisant la notation de leur travail, celle de ceux qui ne peuvent pas acheter de vêtements de marque en n’imposant pas un uniforme ? Là encore j’avoue mon ignorance.

Après, il y a le problème des enfants « disponibles » à l’adoption, ce qui dépend des pays. La France a des lois strictes concernant les occasions où les parents peuvent perdre  leurs droits sur leurs enfants, ce qui souvent aboutit à laisser ces derniers en famille(s) d’accueil jusqu’à leur majorité même lorsqu’il était fort vraisemblable que leurs parents biologiques ne les récupéreraient jamais. Il faudra peut-être remettre cela en question si on ouvre effectivement l’adoption aux couples homosexuels, ou alors une proportion plus importante des candidats à l’adoption devra se tourner vers l’étranger… ou vers la PMA et la GPA, encore plus polémiques.

Voilà tout ce que j’ai à dire en toute humilité et en toute subjectivité. Ce qui n’empêche pas que le prochain parfait inconnu à m’interroger de la sorte sur ma vie amoureuse, ou encore sur ma religion et autres détails personnels, aura droit à une répartie plus péremptoire. Tiens-le-toi pour dit, Maurice !

 

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