Thème : Rencontre avec Olivier Berlion
pour la sortie du T.6 de Tony Corso
Date : mardi 19 février 2012
Cheveux en bataille, chemise hawaïenne,
sourire caustique, debout sous le soleil de Saint-Tropez, le privé
est prêt à m'aider, contre monnaie sonnante et trébuchante.
Heureusement pour moi, je n'ai pas
besoin des services de Tony Corso, le détective tout terrain
d'origine italienne.
En réalité, sous le crachin parisien,
je rejoins les bureaux de Dargaud. j'ai la chance de faire partie
d'un petit groupe de journalistes et chroniqueurs pour rencontrer
l'homme caché derrière Tony.
Sourire chaleureux, tenue simple,
regard droit, Olivier Berlion nous accueille pour parler de Bollywood
Connection, le sixième tome des Aventures de Tony Corso, publié
chez Dargaud.
Et on est bien heureux, vu que cela
faisait plus de trois ans que le privé de Saint-Tropez se la jouait
discrète...
Olivier BERLION répond honnêtement
aux questions concernant cette longue absence. Problèmes d'ordre
privé, et autres travaux professionnels ont retardé son retour aux
crayons de cette série.
Mais cela lui a laissé le temps de
trouver l'inspiration. Et c'est avec le monde de Bollywood, le cinéma
indien, et la mafia de Bombay, que Olivier Berlion revient à son
héros fétiche. L'histoire a failli se passer à Dubaï, en plus,
Olivier avait envie de dessiner le désert, mais finalement, c'est
bien dans le bon vieux Sud de la France que se déroule le récit. A
part le « prégénérique », qui prend place... dans le
désert.
Comme dans chaque album, l'histoire
démarre sur les chapeaux de roue, référence à James Bond, avec un
Tony en pleine action.
L'idée est de monter que Corso ne
s'arrête jamais, qu'il est toujours dans le mouvement. Mais parlons
un peu plus de ce héros atypique. L'auteur dessinateur nous a livré
quelques clés du personnage. Ses chemises à fleurs sont un clin
d'oeil à Scarface, normal vu que Tony partage avec Pacino des
origines Italiennes.
Dans ce tome six, Corso va être amené
aussi à gérer des problèmes personnels, à l'image de son
créateur. Est-ce la seule ressemblance entre les deux hommes ? Il
faut croire que non, Olivier nous explique qu'il a également un côté
cynique, même si celui-ci diminue avec le temps, que l'on retrouve
chez Corso. Ils ont également en commun le même énervement face au
chantage ou à la menace.
Par contre, si Tony peut avoir la main
lourde, ce n'est pas le cas des dessins d'Olivier Berlion. Son envie
était de créer un héros intemporel. Pour cela, il fallait adopter
un graphisme intemporel également. Un travail difficile pour le
dessinateur, car ce type de dessin ne correspond pas à son style.
Mais l'effort en vaut la peine, cette patte réaliste qui renvoie aux
indémodables Blueberry ou Buck Danny fonctionne bien. Je trouve
qu'un peu plus de dynamisme dans les dessins serait le bienvenu.
L'auteur nous confie avoir rencontré
d'autres difficultés pour le dessin, mais d'ordre plus matériel :
trouver les bonnes encres pour travailler, et les plumes...
Olivier confesse aimer aussi les
aquarelles, mais coloriser Les aventures de son privé de cette
manière ancrait le dessin dans une époque passée, alors que
l'histoire est contemporaine. Il a donc opté pour des couleurs
criardes et vives et travaille maintenant avec le coloriste Christian
Favrelle. Olivier se garde le plaisir de faire les ombres en lavis en
couleur directe.
Tony Corso, grâce à ses histoires, à
son graphisme, pourrait durer encore longtemps. Alors, Olivier
serait-il prêt à céder sa place de dessinateur à d'autres
personnes ? Il aimerait bien, mais estime que c'est toujours risqué
de confier son scénario à quelqu'un d'autre. Chez Tony, tout passe
par les expressions du visage, il faut donc vraiment trouver
quelqu'un qui ne soit pas qu'un bon technicien du dessin, mais qui
sache apporter dynamisme et vie. En tout cas, la recherche de cet
oiseau rare n'est pas encore à l'ordre du jour, car Olivier a déjà
pensé au prochain volume des aventures de son héros, le tome 7, qui
se passera dans les Cyclades avec quelques reliques et la mafia russe
!
Et puis, Tony ira peut-être rejoindre
Al Pacino... au cinéma. Un projet d'adaptation est effectivement en
cours. Olivier explique qu'il s'agirait d'un scénario original, mais
qui devra garder le style de la BD. Il se peut que Olivier se
retrouve à l'écriture. Ce qui serait pour moi une très bonne idée
permettant de garder l'homogénéité avec la série.
L'auteur trouve important que le film
ne reste pas superficiel en ne présentant que le Saint-Tropez auquel
pense le public. Il faut aussi que l'adaptation garde un aspect film
noir. Et c'est là la difficulté. Selon Olivier, trop noir n'est pas
grand public, trop action pure et bling bling n'est plus Corso.
Tout un équilibre complexe qui ne
l'empêche pas d'imaginer qui pourrait incarner le détective:
l'acteur réalisateur Kim Rossi Stuart ou bien Vincent Cassel.
Pour résumer, Tony ne va pas chômer,
et son auteur non plus. D'autant qu'il a d'autres projets en cours.
Olivier Berlion, dessinateur et scénariste, souhaite passer la
moitié de son temps sur les scénarios et l'autre sur le dessin.
Mais il reconnaît que c'est difficile, quand on est dessinateur,
d'endosser uniquement la chemise du scénariste.
Ce ne l'empêche pas de développer
actuellement une série comme scénariste chez Glénat, et un
one-shot intimiste en tant qu'auteur-dessinateur.
Autant de projets qu'on attend donc...
entre deux cocktails, enfin, entre deux albums de Tony Corso.
En attendant, j'ai constaté qu'Olivier
et moi avons un regret commun, que la distanciation et l'humour ne
soit pas un peu plus présent dans ce nouvel opus de la série. Et je
dis bien un peu, car trop d'humour ne collerait pas vraiment à
l'univers de Tony Corso.
En tout cas, j'espère qu'Olivier ne
m'en voudra pas trop de ce tutoiement et de cette manière un peu
débridée de retranscrire une partie de ces propos. En effet,
c'était la première fois que nous nous rencontrions. Mais
l'ambiance était tellement détendue lors de cette matinée, que
c'était le meilleur moyen à mes yeux de la retranscrire.
Après la fin de cet entretien très
vivant, en sortant des imposants bureaux de Dargaud, j'ai repensé à
la passion simple d'un enfant qui éprouvait une joie énorme à
retrouver ses héros de BD préférés à chaque nouveau tome. Une
fois adulte, Olivier Berlion a simplement voulu transmettre aux
lecteurs d'aujourd'hui ce même plaisir qu'il ressentait, enfant.
Espérons qu'il y réussisse encore
longtemps...
David