PARTANCE. - Il faisait tout gris ce matin, frimas comme tous ces jours de morosité peu printanière, morose autant que dans les journaux, et c'est donc le vif au coeur que je me suis embarqué dans le TGV de Paris, laissant ma bonne amie à la garde du fox Snoopy, impatient de me replonger, comme tant de fois depuis tant de décennies, dans le mouvement électrisant et tonifiant de la grande ville qui n'est jamais ce qu'on en dit en la dénigrant; et de même ce qu'on dit ces jours de la France, ou ce qu'en disent de pire les médias français, me semble-t-il en deça de tout ce que les seuls noms de Paris et de la France représentent à mes yeux de précieux et d'irremplaçable, que concrétise à l'instant, à mes yeux, le spacieux habitacle roulant du TGV rénové aux accortes hôtesses de couleur nous servant à choix le Magret de Canard et la Rillette de Saumon. Prodigalité rabelaisienne de la France de toujours: voici du Magret et de la Rillette arrosés de Médoc à discrétion alors que les trains suisses se surbondent et que leur service s'étiole à l'avenant; et je lis les Divertissements de Marcel Jouhandeau tandis que l'on traverse la Côte d'or de Marcel Aymé, la langue fluide et belle du plus latin des paysans de Paris célèbre Molière et La Fontaine et Voltaire et Madame de Sévigné - autant dire la France de toujours en encore dont Paris reste toujours et encore le lieu des lieux.
QUARTIER MOZART. - Or un clic a suffi, après les cafés, pour me faire me retrouver en Afrique, selon ma pratique habituelle consistant à voyager dans le voyage, en me plongeant cette fois dans ce maëlstrom de vie et de destinées d'un quartier populaire des abords de Yaounde que ce film, intitulé Quartier Mozart et signé Jean-Pierre Bekolo, évoque avec autant de faconde réaliste que de poésie et de rage sous-jacente. L'on a appris l'autre jour que le pouvoir camerounais venait de frapper le réalisateur des foudres de la censure, et ça ne m'étonne qu'à moitié rien qu'à voir Quartier Mozart, qui a pourtant vingt ans d'âge. Ce n'est pas que ce film donne dans la propagande contestataire, mais qu'il montre la réalité et les gens tels qu'ils sont: vivants et piégés, merveilleux de vitalité et freinés, empêchés, sacrifiés, vilipendé à la sauce des pouvoirs africains relançant les pires menées des anciens colons, et cela dans un film d'une forme puissamment originale.