L’âge d’homme
Publié le 09 avril 2013 par Ctrltab
« Je me heurte ici à l’écueil auquel se heurtent fatalement les faiseurs de confessions et de mémoires et cela constitue un danger dont, si je veux être objectif, il me faut tenir compte. Je me bornerai donc à affirmer que je voyais tout comme au théâtre, à la lueur des spectacles qu’on me menait voir; toutes choses m’apparaissant sous un angle tragique, de cette lumière sanglante fut à tel point coloré ce qui germa dans mon coeur et ma tête à ce moment, que même encore maintenant il ne m’est pas possible d’aimer une femme sans me demander, par exemple, dans quel drame je serais capable de me lancer pour elle, quel supplice je pourrais endurer, broyage des os ou déchirement des chairs, noyade ou combustion à petit feu – question à laquelle je me réponds toujours avec une conscience si précise de ma terreur à l’endroit de la souffrance physique, que je ne puis jamais m’en tirer qu’écrasé par la honte, sentant tout mon être pourri par cette incurable lâcheté. » – M. Leiris