On a entendu bien des choses sur l’affaire Cahuzac. Je passerai sur l’incompétence chronique de certaines personnes (qu’ils n’aient pas su, ce qui serait affligeant, ou qu’ils aient su et se soient imaginé pouvoir le cacher, ce qui n’est pas mieux) – ça me déprime. Je passerai également sur l’aspect psychiatrique de l’affaire, même s’il y aurait certainement beaucoup à dire sur un ministre qui se défend avec autant de conviction d’un délit dont il se sait coupable (mythomanie ?) après s’être fait le champion de la lutte contre l’évasion fiscale (schizophrénie ?).
Non, je veux plutôt m’attarder sur ces fameuses déclarations de patrimoine et les interprétations qui en ont été faites dans la presse. J’ai en effet pu constater un amalgame entre richesse légale et évasion fiscale, mais aussi entre honnêteté et représentativité.
Dans divers débats j’ai entendu parler de la fameuse relation à l’argent des français. Et c’est vrai, elle est à part. C’est vrai, les Américains par exemple en parlent sans tabou, mais il ne faudrait pas non plus les prendre en exemple jusqu’au bout, puisqu’ils mesurent souvent la valeur des gens à leur richesse (à cause d’une interprétation étrange du rêve américain, à la base « n’importe qui peut réussir à force de travail », qui devient « tout le monde peut réussir à force de travail », oubliant bien vite que pour qu’une personne s’enrichisse, d’autres doivent rester en bas de la pyramide !).
Et puis je trouve qu’il faudrait arrêter de tout mettre sur le dos de cette relation à l’argent. Ah les Français, de toute façon ils n’aiment pas les riches ! C’est simpliste, et je crois que cela passe à côté d’aspects essentiels dans cette affaire, mais aussi de façon plus générale dans la conjoncture actuelle.
Car les Français ne sont peut-être pas si bêtes. Ce n’est peut-être pas la richesse en tant que telle qui les dérange – même si personnellement et sans être communiste, je trouve choquant certains fossés qui, selon moi, ne sont absolument pas justifiés par une différence de compétences. Ils ne s’imaginent peut-être pas non plus que tous les hommes politiques ont un compte en Suisse ou trempent dans les trafics d’influence. Peut-être que les Français, ils se demandent juste comment des gens au patrimoine 10 à 100 fois supérieur au leur peuvent comprendre leurs problèmes. Pire, s’ils s’y intéressent vraiment.
N’est-ce pas en effet un peu facile pour nos politiciens, qui vivent dans leur petite bulle et ignorent jusqu’au prix d’un ticket de métro ou d’une baguette de pain, de nous demander des efforts, la rigueur et tout le tintouin ? N’ont-ils pas intérêt de par leur classe sociale à plutôt épargner ceux qui gagnent bien leur vie, à les appeler « créateurs de richesse » en oubliant que cette richesse repose aussi sur ceux qui travaillent d’arrache-pied en bas de l’échelle ?
Et je ne parle même pas de démarche consciente ! Il s’agit de leur façon de penser, de leur idéologie, parce que quand on est riche on a évidemment envie de croire qu’on le mérite, et la pente est alors glissante (aux Etats-Unis elle mène certains à considérer que les pauvres méritent aussi leur sort, idée qui montre le bout de son nez dans certains types de dénonciation de l’assistanat).
Je finis un peu hors-sujet avec une remarque récurrente qui m’a frappée : c’est que les électeurs tranchent quand ils votent, comme si obtenir plus de 50% des suffrages (en omettant l’abstention qui est pourtant souvent déjà un message politique) suffisait à légitimer une personne et à la dispenser de toute explication sur sa profession, son patrimoine ou encore son programme (je pense à Hollande qui considère les parties de son programme qu’il souhaite mettre en application, d’ores et déjà validées par le suffrage présidentiel, comme si ses électeurs, et a fortiori les citoyens, approuvaient forcément l’ensemble de ces mesures ; et qui s’autorise néanmoins à retarder jusqu’à son départ l’application d’autres parties dudit programme, je pense bien sûr au non-cumul des mandats qui fait pourtant quasiment l’unanimité). C’est oublier un peu vite qu’on n’a qu’un choix terriblement restreint, gouverné par une logique de partis d’un autre âge, et qui dépend souvent de réseaux d’influence obscurs. Difficile en effet de se lancer en politique sans être « homologué » par ses pairs… qui préfèrent bien sûr des gens qui leur ressemblent et partagent leurs idées ! Et puis, le fait que l’électorat considère un candidat comme le meilleur ou le « moins pire » pour tel ou tel poste, ne le dispense en aucun cas de s’adapter à leurs attentes.
Mais là je rêve bien sûr d’une démocratie plus participative, où l’on demanderait vraiment leur avis aux citoyens… Anarchie ? Chaos ? Non. Le chaos, c’est maintenant.