Magazine

Le sigle médical, un mauvais jeu de maux

Publié le 24 novembre 2012 par Dominique Le Houézec
LE SIGLE MÉDICAL, UN MAUVAIS JEU DE MAUX

Ce que je veux dénoncer, c'est le petit jeu qui consiste à inventer en médecine des sigles de tout et n'importe quoi, du moment que le sigle est joli, drôle ou accrocheur, devenant si possible acronyme, au mépris de ce que les malades désignés par ces sigles peuvent en penser!


Essayez de dire à voix haute et le plus rapidement possible "Is the Dream of EVAR Over?". Vous verrez qu’il est très difficile de dire "over" après "evar", un peu comme quand on  dit "les chaussettes de  l’archiduchesse sont-elle sèches…"



A ceci près, que "les chaussettes…" sont un jeu, alors que "Is the Dream of EVAR Over?" est le titre d’un éditorial traitant d’une question sérieuse et même grave, dans l'un des plus  grands journaux médicaux.
Dans le "New England Journal of Medicine", cet éditorial "Is the Dream of EVAR Over?" (1) a donc été récemment publié. Vous pensez probablement que "Dream" veut dire rêve, vous avez raison, mais cela veut dire içi "Dutch Randomised Endovascular Aneurysm Management". Vous pensez que "Over" veut dire fini ou terminé, vous avez aussi raison,  mais OVER veut aussi dire "Open versus Endovascular Repair".
LE SIGLE MÉDICAL, UN MAUVAIS JEU DE MAUX
En d’autres termes, il s’agit de jeux de mots ou plus exactement de jeux de sigles. Un article d’une revue médicale ne devrait pas être un espace de jeu et encore moins un éditorial et encore moins  dès le titre. Le lecteur est d’ailleurs confronté à ce jeu de  mots, avant même de lire l’article puisque ce titre figure en page de couverture. L’auteur expose la question du traitement des anévrysmes de  l’aorte abdominale (AAA dans son texte) et cette question est importante.
Et puisque je signale une anomalie qui est à mes yeux une  imperfection, je voudrais en signaler une seconde : celle des  conflits d’intérêts.
L’article dans sa version papier ne comporte pas de déclaration de conflits d’intérêts. L'article nous dit qu'il faut pour les lire aller sur la version électronique. C’est-à-dire qu’il faut perdre du temps, ce qui est une façon de décourager le lecteur.
LE SIGLE MÉDICAL, UN MAUVAIS JEU DE MAUX
On apprend alors que l'auteur signale avoir reçu de l’argent de Viva, au titre de "board membership", de Novartis, Ferring et Boston pour "consultancy" et pour ces quatre firmes, il coche la case "money payed to you". En ce qui concerne Lupin, il coche aussi la case "money payed to you"et pour BMS, c’est son institution qui reçoit de l’argent au titre de "grants pending" et l’auteur coche donc la case "money payed to your institution" (2) 

Cela ne dit pas combien d’argent il a reçu, cela ne dit pas  non plus si l’une de ces firmes a des intérêts dans le domaine du traitement des anévrysmes. Cette  déclaration très  imparfaite de conflits d’intérêts est d’autant plus attristante qu’elle a lieu dans le "New England Journal of Medicine", c’est-à-dire dans le journal qui a le premier dénoncé les conflits d’intérêts (cf. l’article "Les conflits d’intérêts m'intéressent" publié sur ce blog)

Jean-Pierre LELLOUCHE
(1) Joshua A. BECKMAN."Is the Dream of EVAR Over?" N Engl J Med 2012; 367:2041-2043 (2) ICMJE Form for Disclosure of Potential Conflicts of Interest

Retour à La Une de Logo Paperblog