René Hausman fait partie de ces auteurs discrets de la bande dessinée franco-belge. Actif au sein du magazine Spirou depuis les années 60, il reste pourtant relativement méconnu du grand public et son influence sur toute une génération d'auteurs reste négligée. A titre d'exemple, Frank Pé n'a jamais caché l'admiration qu'il lui porte, jusqu'à en faire l'oncle/mentor de Broussaille dans Les sculpteurs de Lumière. J'ai également toujours senti une forte influence hausmanienne chez Claire Wendling.
Malheureusement, avec le recul, il semble que Dupuis n'a pas su quoi faire de cette série étonnante. D'abord insérée en supplément détachable du Spirou n°2488 du 17 décembre 1985, La Forteresse de Pierre sera publié une première fois en album cartonné en 1987. Le deuxième épisode des aventures de Laiyna, Le Crépuscule des Elfes, sera intégré à la toute jeune collection Aire Libre. Par la suite, La Forteresse de Pierre sera intégrée à Aire Libre. Finalement, ces deux tomes quitteront le catalogue pour être remplacés par une Intégrale. Une vie éditoriale assez chaotique.
René Hausman
En fait, la fantasy en bande dessinée semblait ne se décliner que dans l'humour, à travers des séries comme Iznogoud, Johan & Pirlouit, Foufi ou les Schtroumpfs. Il faudra d'ailleurs le soutien de Philippe Vandooren pour que Laiyna et Le Grand Fabulaire du Petit Peuple puissent voir le jour.Laiyna fait donc partie des précurseurs de la bande dessinée fantasy franco-belge. Son importance est sans doute sous-estimée parce qu'Hausman a toujours privilégié une signature très personnelle, qui ne cadre pas vraiment avec l'imagerie fantasy qui s'est imposée par la suite. Sa fantasy est très terrienne, marquée des traditions et légendes ardennaises. Son dessin est brut, organique, très rond. Son petit peuple a le charme des santons ardennais. Il se dégage de Laiyna une atmosphère chargée de senteurs forestières, d'odeur d'humus, de sous-bois... il n'y a pas ce côté trop propret qui est la plaie de la bande dessinée actuelle.L'histoire en elle-même reste très classique et le scénario souffre sans doute de l'inexpérience de l'elficologue Pierre Dubois, qui peine parfois à donner du rythme à l'ensemble. Dans un monde moyen-âgeux, les parents de Laiyna sont tués par les soudards du Seigneur Vurthe, tyran régnant d'une main de fer depuis sa forteresse de pierre. Avant de mourir, la mère de Laiyna confie son enfant à la Bête, créature vaguement humaine, qui confie à son tour la petite Laiyna au Petit Peuple. Elfes, gobelins, fées et nain l'élèvent et l'initient aux mystères de la nature. Devenue adulte, Laiyna va mettre l'équilibre de ce monde en péril pour venger la mort de la Bête, qui a été tuée par Vurthe.
Une oeuvre-jalon, selon moi, sans doute inférieure aux collaborations entre Hausman et Yann (essentiellement Les 3 Cheveux Blancs, une absolue merveille), mais qui mérite d'être redécouverte.