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« Enquêter sur les Roms ». Compte-rendu de l’atelier animé par Alexandra Clavé-Mercier

Publié le 21 avril 2013 par Antropologia

20 avril 2013

Paroles sur…

Un premier temps est consacré aux discours entendus sur les Roms. Yolande relate un voyage en Roumanie en 1994 et les propos d’une employée de la mairie de Galați : « Ils sont à part parce qu’ils ne respectent pas les règles » Elle évoque aussi le parloir de la prison de Gradignan : comme ce sont des familles entières qui se déplacent pour visiter des détenus, elles sont particulièrement visibles et laissent à supposer qu’il y a beaucoup de détenus Roms.

Nous évoquons aussi les premiers squats dans les hangars sur les quais, au début des années 2000, la rumeur persistante d’un lien avec les travaux du tramway non confirmée par Alexandra qui n’a pu rencontrer ces premiers migrants.

La question du « projet » migratoire est discutée, en référence à d’autres migrations, plus anciennes (Portugais, Espagnols…)

Nous avons également parlé du rapport difficile aux institutions, école, système de santé… Alexandra précise qu’il n’y a que des logiques individuelles quant aux relations au système de soin : certaines préfèrent aller accoucher en Bulgarie, d’autres découvrent le confort de la péridurale, la pneumopathie serait mieux soignée en Bulgarie…

Quelques précisions

Alexandra explique les différences entre roms-tsiganes, gitans et manouches en citant les historiens tout en utilisant le conditionnel. Il y aurait eu un mouvement migratoire à partir de l’Inde au Xe siècle. Certains se sont établis en Grèce, Turquie, péninsule ibérique : les Gitans, d’autres en Allemagne, Alsace… : les Manouches. Enfin en Europe de l’Est, il y a des Tsiganes (l’orthographe avec un « z » est proscrite depuis la seconde guerre mondiale). Ils sont reconnus comme une minorité nationale en Roumanie, ethnique en Bulgarie.

En Europe de l’Est, des militants ont lutté pour l’appellation Rom, qui signifie « homme », moins connotée que « tsigane ». Si là-bas les gens se définissent plutôt comme « tsigane », ils ont toutefois tendance à s’approprier l’appellation issue d’un discours politique : Roms.

Dans la CUB, les 3 groupes sont présents. En France, moins de 5% des gens du voyage sont itinérants. La grande majorité des Roms sont sédentaires en Europe de l’est.

Les Roms sont arrivés à Bordeaux au début des années 2000 avec un boom en 2007. Spécificité de la CUB, par rapport aux autres villes françaises, tous les Roms sont bulgares. Ils viennent pratiquement tous de deux villes de la même région, ce qui est lié à des réseaux de sociabilité et des relations de parenté.

Les conséquences du régime transitoire

Il s’agit de mesures restrictives, appliquées notamment par la France et qui devraient cesser fin 2013. S’ils n’ont pas besoin de visa, les ressortissants bulgares ne peuvent pas rester plus de 3 mois et doivent montrer qu’ils ne sont pas une « charge déraisonnable » pour l’Etat français. Vivre en squat les place de fait dans cette catégorie.

Se pose la question de comment contrôler la date d’arrivée dans le pays pour des Européens bénéficiant de la liberté de circulation, s’ils ne transitent que par des pays de l’union ?

Deux cas de figures. La plupart passent par la Serbie (les cigarettes y sont moins chères) où le passeport est tamponné. (L’autre possibilité est de passer par l’Allemagne mais les péages sont plus onéreux.) La date de sortie de la Serbie fait alors office de date d’entrée sur le territoire français, ce qui est de fait approximatif. Pour les autres, la stratégie repose sur des contrôles policiers dans les squats. Elle s’accompagne d’une procédure à la limite de la légalité de rétention des papiers d’identité contre un récépissé (compliquant certaines démarches administratives) assortie de l’obligation de « pointer » tous les mois.

L’OQTF (obligation de quitter le territoire français) peut être complétée d’une « aide humanitaire » : retour en avion et possibilité de percevoir une fois l’aide au retour. L’inefficacité de celle-ci a conduit à la baisse de son montant par M. Valls : 50 euros par adulte, 20 par enfant.

Le logement en appartement permet d’être moins contrôlables. Certains logements sont loués par des employeurs de main d’œuvre non déclarée.

Le régime transitoire est assorti d’une interdiction de travailler sauf dans les 150 métiers en tension (manquant de main d’œuvre). Il faut alors trouver un employeur faisant une promesse d’embauche, la procédure reste compliquée.

Ils peuvent bénéficier de l’aide médicale d’état, pour avoir la CMU, il faut avoir un titre de séjour.

Là-bas  

Le salaire moyen en Bulgarie est de 200 euros. Il y a peu d’aide sociale et les Roms vivent dans des quartiers à part : séparés par un champ, une voie ferrée, une route, un mur… Il y a de plus en plus de murs en République tchèque, Hongrie…

Les migrants « bordelais » vivent entre les deux pays.

Alexandra nous parle du « gurbet », pratique courante dans les Balkans, qui consistait en une migration temporaire de travail, par exemple en Serbie pour les travaux agricoles et du « commerce de la valise » (achat de produits pour la revente dans d’autres pays) qui est encore pratiqué par des Roms.

Ici aussi, dans les squats, il y a encore toujours un bar, un magasin avec des habits, des barres chocolatées qui viennent de Bulgarie, des cigarettes de Serbie…

Ici et là-bas. Photos de Nicolas Cartron

Chasse aux toiles d’araignées (Peshtera, Bulgarie, août 2011)

Chasse aux toiles d’araignées (Peshtera, Bulgarie, août 2011)

Derrière le mur…un golf (Ihtiman, Bulgarie, août 2011)

Derrière le mur…un golf (Ihtiman, Bulgarie, août 2011)

Fin de l’asphalte, entrée dans le quartier Rom (Ivaylo, Bulgarie, février 2012)

Fin de l’asphalte, entrée dans le quartier Rom (Ivaylo, Bulgarie, février 2012)

A l’intérieur (Villenave d’Ornon, France, mars 2011)

A l’intérieur (Villenave d’Ornon, France, mars 2011)

Construction de cabanes dans un hangar (Bordeaux, France,  mai 2011)

Construction de cabanes dans un hangar (Bordeaux, France, mai 2011)

Une cabane détruite, un nouveau sèche-linge (Bordeaux, France, octobre 2012)

Une cabane détruite, un nouveau sèche-linge (Bordeaux, France, octobre 2012)

Enquêter sur les Roms

Un atout, c’est d’avoir appris la langue et d’avoir une aisance dans la relation (séjours en Roumanie et en Bulgarie) notamment dans les rapports de genre et de connaître des choses et des pratiques du quotidien.

Elle a fait le choix de ne pas faire d’entretiens formels car quand elle sort le magnétophone, c’est une parole journalistique, non spontanée qui sort.

La circulation dans les squats est facile, notamment parce qu’elle connaît quelques occupants. Malgré les apparences, les gens qui stationnent devant l’entrée du squat de l’avenue Thiers n’en contrôlent pas l’entrée qui est libre.

Il est difficile d’expliquer « la thèse » : certains pensent que c’est un livre sur eux, d’autres qu’elle regarde ce que les institutions font pour les aider…

Ce qui est difficile à faire passer c’est qu’Alexandra n’est pas là pour les aider, elle a aussi pris le parti de ne pas donner d’argent.

Fadila lui demande si c’est un « terrain miné ». Travaillant sur les interactions entre politiques et Roms, elle doit résister à des tentatives d’instrumentalisation des deux parties. Il faut alors trouver une position de distanciation des deux côtés.

Ensuite, Alexandra est confrontée au problème classique de la possible « trahison » qu’engendre l’écriture d’un travail scientifique. Faut-il que le texte soit public ? Comment son travail peut-il servir à quelque chose ? Comment les différents acteurs vont-ils recevoir son texte ?

Colette Milhé



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