Les disparus

Il faut être honnête, personne n’a rien vu venir. C’était trop progressif pour que quiconque le remarque d’ailleurs. Une sorte de mouvement continu qui gagne en intensité au fur et à mesure. Tout le monde s’était habitué à ce phénomène, l’inquiétude avait quand même fini par gagner les petits commissariats, à mesure que les avis de recherches se multipliaient. Pour autant, un sentiment d’indifférence générale prédominait. La solitude était devenue la norme dans une société qui cherchait désespérément à développer son bien-être. On ne comptait plus les âmes errantes à toute heure du jour et de la  nuit, et à vrai dire, on s’en moquait.

Le fossé se creusait de façon inexorable entre une effervescence affichée et un désespoir rentré. La dictature du faire, de l’agir, avait contaminé les plus poètes de tous. Les promesses d’un futur radieux ne pouvaient plus masquer la détresse d’un présent sinistre. De Berlin à Vladivostok, des buildings de Saint-Pétersbourg aux steppes cerclant Oulan-Bator, on sentait qu’il fallait tourner la page, passer à autre chose.