Boris Vian a construit son oeuvre littéraire (romanesque, poétique, théâtrale) en partant à la découverte du langage qu'il a trouvé, il refuse toute figure de style, il le pousse à bout et le prend au pied de la lettre : Les ordonnances médicales sont réellement exécutées, un escalier se dérobera sous les pas, une pointe d'ail s'aiguise comme il faut, un garçon de café ne peut pas utiliser un pourboire pour manger, etc. Il procède à des demi-créations de mots, à des créations entières. Le fameux langage-univers ! Il est syntaxiquement insatiable, boulimique, pratiquement insaisissable.
L'insolubilité du problème de Gondry quant à cette adaptation de l'Ecume des Jours tient uniquement au fait que l'oeuvre romanesque de Boris se lit et ne peut que se lire.
Tout écrivain refait le monde. Dans ce roman Boris a redessiné - refait - celui d'une certaine jeunesse. L'Ecume est roman de pure et vraie jeunesse. Roman de soleil d'or et de soleil noir aussi. Rien n'y paraît. Ce n'est pas faute de la vraie bonne volonté de Gondry, de son vrai amour-attachement à l'oeuvre et à l'auteur, ce n'est pas parce qu'Audrey Tautou n'a pas les yeux bleus de Chloé, ou parce que la Souris le jour des noces "ne se laissa pas glisser le long du cou rond de Chloé et prit appui sur un de ses seins" pour lui dire qu'elle était jolie, ce n'est pas faute de talent car Michel Gondry en est pétri, mais le film était impossible...