J’ai vécu mon expérience indienne un peu « lost in translation »...
J’ai littéralement squatté deux mois chez mon amie IndianSamourai après deux ans et demi passés en Asie du sud-est. J’ai ainsi troqué les tours de 30 étages, les centres commerciaux ultra-modernes et luxueux qui poussent tous les 500 mètres contre des pâtés de maisons poussiéreuses et des « marchés » (ce qui à Delhi qualifie les quartiers commerçants ou autrement dit des entrelacs de petites rues pleines de magasins les uns à côté des autres).
Étant donné que j'allais vivre à Delhi pendant deux mois, j'ai eu à organiser ma vie entre ma recherche d'emploi pour plus tard, la découverte de la ville et mon plus grand défi : cuisiner des plats occidentaux. J'étais déjà excitée à l’idée de la diversité de légumes et de fruits que je pensais trouver ici (j'ai par la suite été très déçue de découvrir que se procurer des produits frais à Delhi n'est pas une tâche si aisée qu’il y paraît)!!
Mon amie m'a prévenue que ce serait difficile de trouver les bons ingrédients pour mes spaghettis carbonara, ma quiche Lorraine ou même mon gâteau au chocolat. Eh bien, « challenge accepté »: 14 millions d'habitants vivant en 1483 km², on va pas me dire que je ne trouverai pas tout ce dont j'ai besoin !! J'aime cuisiner et rien ne me résiste.
J'ai quand même demandé quelques conseils à mon amie. Elle m'a emmenée à son « supermarché » (Nature’s basket) qui regorge de bonnes choses adaptées aux goûts des expatriés et qui livre jusqu`à tard le soir (très pratique quand vous avez envie d'une bière ou de vin pour le dîner et que vous vous rendez compte à 18 heures – quand les autres petite échoppes sont déjà fermées et de toute façon ne vendent pas d'alcool).
Elle m'a également emmenée au « marché » (j’entends ici le marché de produits frais) en centre-ville, à proximité de la station de métro INA. Je me suis dit que c'était un bon début…
Un jour, j'ai décidé de cuisiner une de mes recettes préférées de Jamie Oliver : spaghettis aux crevettes et roquette. Tout à coup, ce que je pensais être une tâche facile se transforma en une longue journée en rickshaw par 42 degrés avec mon téléphone/GPS à la main (qui devient totalement inutile quand vous êtes perdu dans une petite rue et que votre GPS ne vous donne votre emplacement que dans un rayon de 500 mètres).
La première chose que j'ai faite a été de googler une poissonnerie près de chez moi (l’autre que je connais n’est pas très loin mais l’idée de devoir négocier de bon matin avec le chauffeur de rickshaw pour payer un prix correct est juste rebutante). J'ai donc trouvé l'adresse de la seule poissonnerie à Delhi qui est sur le net, avec photos et tout, ai sauté dans un rickshaw à 8 heures du mat (on ne sait jamais à quelle heure ferme un marché aux poissons), suis arrivée 40 minutes plus tard (bouchons matinaux...) pour trouver des étals vides!! C’est alors que j’ai tilté que y avait moyen que les poissonneries puissent ne pas être ouvertes pendant la saison chaude – évidemment...
« Peu importe », ai-je positivé. « J’irai acheter mon poisson au marché INA plus tard. » En attendant, j'ai dû trouver de la roquette. J’adore cette variété de salade et j’avais déjà essayé d’en acheter quelques jours auparavant.
Ce qui en fait m'amène à une autre quête d'ingrédients : la veille je suis allée sur internet et ai passé quelques heures à essayer de trouver un endroit qui vendrait de la roquette, sauté dans un rickshaw, lui ai indiqué l'adresse, en vain puisqu’on a bien dû errer une heure à chercher le magasin, que nous n’avons finalement jamais trouvé. Et je suis rentrée chez moi, complètement déshydratée et dépitée.
Mais le lendemain, je n'avais pas le choix. Ma recette n’est pas la même sans roquette. J'étais donc déterminée à trouver cet endroit, à n'importe quel prix ! GPS en main, écouteurs dans les oreilles (pour éviter que le klaxonnement ininterrompu du rickshaw ne me rende dingue). J’avais vraiment le sentiment de partir en expédition. Cette fois, ça a marché ! J’ai trouvé le magasin de produits biologiques, en ai profité pour acheter un gros poulet biologique et, revitalisée, me suis rendue directau marché de INA.
Ne vous méprenez pas, on dirait comme ca que le tout m’a seulement pris une heure ou deux mais en fait à ce stade de la journée, j'avais déjà passé 4 heures à faire du rickshaw, explorer, négocier, éviter des accidents, essayer de comprendre ce qu'on me dit, transpirer dans les bouchons, le tout en essayant de respirer un peu d'air… quelque part... nulle part…
Alors, quand je suis arrivé à l'INA, j'étais déjà épuisée… Je me suis vue errer dans les ruelles étroites, riches d’épices, de légumes, de viande, de poisson. Il était déjà midi ; les produits frais avaient commencé à avoir une odeur différente, voire à pourrir dans les allées. J'ai trouvé mon poissonnier habituel. Je n'osais même pas lui demander où il se procurait ses poissons et fruits de mer (probablement de la côte ouest, à plus de 2000km de Delhi). J'ai essayé de ne pas penser à la chaîne du froid ni à l'hygiène. Mais heureusement je sais reconnaître les poissons frais, les crevettes et les langoustes qui ont l'air frais et sans maladies donc cette poissonnerie obtint mon approbation.
Je m'approchai de l’étal et manquais glisser sur une souris morte !!
Évidemment, la fille française que je suis a poussé un cri ce qui a fait rire tout le monde, et personne ne s’est soucié de ramasser le cadavre de souris qui gisait dans l'allée, juste en face de l’étal de poissons et juste à côté du quartier de la viande. J'ai donc souri et me suis dit « Et alors ? Je suis en Inde, dans un pays de plus de 1 milliard de personnes, où plus de 70 % de la population rurale vit en-dessous du seuil de pauvreté, l'accès à l’eau est encore un luxe. Qui s’intéresse à une petite souris morte dans un marché ? »
J'ai fini d'acheter d'autres trucs comme les pâtes italiennes, parce qu'encore une fois, si vous faites bien attention et fouiner dans les petites échoppes du marché vous trouverez très probablement tout ce que vous cherchez. Je suis rentrée, ai appelé Nature’s Basket, parce que bien évidemment j’avais oublié d'acheter des tomates, du vin etc. et me suis fait livrer le tout.
Mais j'ai gagné mon défi ! Certes il m'a fallu beaucoup de temps et de patience et je dois admettre que, sauf si vous êtes sans emploi ou que vous voulez passer tous vos samedis dans la chaleur et la circulation de Delhi, IndianSamourai a raison « il est difficile de cuisiner des plats occidentaux en Inde ». Quelle idée folle, aussi ! Allons juste bouffer un dosa...
A., 30/04/2013, Voyage :
Du 10 juin au 10 août 2012 (Delhi, Mumbai, Jaipur)