C’est un sort intérieur pendu dans sa nacelle,
Une barque échouée, sans amont sans aval,
Un phare sans récifs, une chambre alluviale,
Une route sans trace, un fil de violoncelle.
Un bagage rempli, un chant sous la membrane,
Un hall de verre où passent des jours de limon,
Un courant que retient le sommeil d’un lagon,
L’usure qui ne laisse que des filigranes.
Un gros œil de hublot processeur miniature
Au milieu des géants piliers de plasma blanc,
Dans la vasque si vaste où les multiples plans
Projettent leurs élans comme des aventures.
Tout grince à l’imparfait d’amarres pétrifiées,
Tandis qu’une cambrure en force les entraves.
Qu’une mâchoire ouverte du fond d’une cave
Fait entendre d’un ventre une faim horrifiée.
C’est dans le coincement de l’articulation,
Là où si souvent meurt, voilé d’une survie,
Une amorce d’envol avortée sans défit,
Que sublimes nous croisent d’étranges missions.
Ca s’ignore soi-même ailes semi pliées,
Et tissant dans les rues des toiles impalpables.
Et frôle le visage un souffle impondérable,
Fixant la connivence où rien n’est publié.
Ca porte d’un insu recouvert et complice
Le levier transparent d’une souple détente.
Ca trace apparemment des figures latentes,
Que nous nous délivrons dans un clair subreptice.
Et comme un arc enfin, sa corde détendue,
La courbure se lâche dans un ralenti
Où redéploie sa force le sombre appétit,
Qui reste seulement tant qu’il est détenu.
Tu l’encontres ainsi, messager de toi-même,
Jamais miraculeux, malaisément lisible,
Dans la trame changeante d’un temps impassible,
Où de ce dont il vit, il voit ce que tu sèmes.
Tu t’étonnes, qui sait, qu’il puisse te connaître,
Et il te surprendrait à le savoir si bien.
Dans les lieux reculés d’où le destin provient,
Nous côtoyons sans voir des doubles de nos êtres.
Dans les voluptés de nos obstinée patiences,
Les calmes assurances que nous mordorons,
Les maigreurs aux rubis dont nous nous colorons,
Il nous faut simplement cajoler les défiances.
Le passeur nous attend. Il est là sur la rive.
Il n’a qu’un seul regard, c’est celui qu’on lui offre.
Il n’a de poche à remplir ni mystérieux coffre.
Et il sait qu’il ne dépend que de nous qu’il vive.