Le cinoche à Jules-Blue Velvet

Publié le 07 mai 2013 par Jules


Il faut mesurer l’impact qu’a pu avoir la diffusion de la série Twin Peaks au début des années 90. Surtout sur l’imaginaire des gamins qui comme moi sont restés pétrifié devant leurs écrans. Les patrons de chaine de l’époque réalisant un peu tard l’imprudence de diffuser ce genre d’OVNI en « prime time » s’efforcèrent d’en changer la case horaire tout les 2 épisodes. Difficile dans ces conditions d’aller au bout des deux uniques saisons et il fallait constamment scruter à la loupe le programme télé pour ne pas manquer les derniers épisodes. Mais c’était trop tard toute une génération était déjà fan de David Lynch.

En 1977 Avec Eareserhead il réalise un exploit. Avec ce film purement expérimental et extrêmement maitrisé il propose pour la première fois un univers personnel et original. Cette œuvre noire sur un homme ayant du mal à assumer sa soudaine paternité « monstrueuse » reste cependant toujours et à juste titre déconseillée aux femmes enceintes. Stanley Kubrick ne perdait jamais une occasion de le montrer à ses amis. Financé par Mel Brooks, Lynch s’attelle dès son film suivant à quelques chose de plus « classique », Eléphant man reste cependant porteur de pas mal de ses obsessions. Le film est un succès et David devient un des metteurs en scène les plus courtisé du moment.

Après avoir souffert sur le projet « Dune » et brièvement été pressentis par George Lucas pour réaliser Le retour du Jedi (il aurait eu un étrange mal au crane en découvrant les costumes des Ewoks) Lynch décide de mettre en chantier un projet plus personnel et qui lui est chère. A la base « Ronnie Rocket », sensé être son second film possède un script pour le moins déconcertant. On y parle d’un détective privé à la recherche d’un nain kidnappé par un groupe de rock dans une ville post industrielle. Etrangement le producteur Dino De Laurentiis semble très intéressé par ce projet complètement fou, mais avant il souhaite d'abord produire un film doté d’un budget plus modeste pour en quelques sorte « préparer » le public à l’univers Lynchien. Se sera Blue Velvet.

 "Que faites vous dans mon placard Jeffrey Beaumont ?"

Tout commence par des images de cartes postales d’une Amérique rayonnante. Puis, la caméra zoom sur une pelouse verdoyante, on y pénètre comme dans une jungle, pour tomber nez à nez avec … une oreille fraichement coupé. Dés la scène d’ouverture tout est dit. Blue Velvet s’est l’autre côté du miroir tout ce que l’Amérique refuse de voir derrière le vernis impeccable des clôtures des maisons de banlieues. Le tout jeune kyle Maclachlan (double du metteur en scène) y joue le rôle de Jeffrey, apprentis détective qui va tenter de sauver le fils d’Isabella Rossellini des griffes du terrifiant Franck (Dennis Hopper en mode n’importe quoi).

Blue velvet possède déjà l’ADN de ce qui constituera plus tard Twin Peaks. Lynch laisse libre cours à sa fascination/répulsion pour les années 50. Tel un Edouard Hopper diabolique il détourne les images d’épinales pour mieux nous faire pénétrer dans des univers interlopes et malsains. D’ailleurs l‘intrigue policière n’est qu’un leurre et n’existe que pour traduire les pulsions refoulé de Jeffrey. Même le happy end semble tellement forcé et absurde qu’il en devient suspect.

Le film fera son petit effet et en gagnant le grand prix à Avoriaz deviendra l’objet d’un véritable culte. De Laurentiis fera entre temps faillite et le projet Ronnie Rocket sera enterré. Pas très grave, la consécration David Lynch la trouvera avec la Palme d’Or (pour Sailor et Lula), puis Lost Highway et Mulholand Drive l’installerons pour longtemps au panthéon des metteurs en scène culte. Depuis le bougre n’est toujours pas redescendu, entre graphiste de luxe et VIP pour secte new âge, on est impatient qu’il nous livre à nouveau un film de la même force que Blue Velvet.