Max | Tranches de train et autres blondes à croquer

Publié le 11 mai 2013 par Aragon

Elle était blonde ça ne s'invente pas. Elle irradiait de vie, de jouissance pleinière, première, béante. Grandes croix grecques en boucles d'oreilles. Autour du cou un chapelet de buis dans lequel était enchâssé une médaille protectrice de Saint Benoît. Bandeau-bustier étroit fushia. Curieux petit pull uniquement constitué par 2 manches de laine noire. Un jean coupé juste sous la ceinture avait évacué les possibles velléités échappatoires du tissu. Elle n'avait aucun besoin des jambes de son short. Nichons magnifiquement tatoués, arrière des cuisses aussi, elle était belle et ravageuse grave. Libre de son corps, de ses gestes, parfaitement à l'aise dans ses baskets de la même couleur que son bustier.

Ça c'est juste un peu gâté - accablé je devrais plutôt dire - dans mon esprit, quand elle a demandé une précision à son copain encore plus tatoué qu'elle et auprès duquel Sébastien Chabal aurait morphologiquement paru un piètre enfant de choeur. Elle avait une voix légèrement éraillée qui jaillissait entre des dents dites "de la chance" ou "du bonheur". Ses mots s'évacuaient dans l'air par une bouche très béatricedallienne. Lui, avait une voix étonnament douce, mal calibrée pour un corps de cette envergure-là. Elle était en train de rédiger un texto, l'interrogea : "Comment ça s'écrit "vaisselle" ?".

lui - v.a.i...

elle : c'est bon, je sais la suite... s.é.l.e

lui - soupir

un temps plus tard elle lui demande : "Je trouve pas "Antoine" dans la base ?"

lui - il y est c'est sûr

elle (épelant) - ben... je mets "e.n" plus loin "t.o.i.n."

lui - non, Antoine c'est avec un "a" et tout attaché

elle - ben ça marche pas

lui (se penchant sur l'appareil) - t'as pas mis d'"e" à Antoine

elle - y'a des Antoine qui s'écrivent sans "e", je le sais

lui - soupir

Dans ce train qui m'emmenait en Camargue il y avait des voyageurs heureux. Ce couple jeune et tatoué, cet autre, âgé, bien mis, non tatoué, lui, le monsieur - contrôleur de la SNCF en retraite - qui faisait tantôt des "sudoku" tantôt des "mots fléchés" pour passer le temps et qui répondit sur interrogation de sa femme qui lui demandait comment s'appelait "cet étang à côté de Sète ?"... "L'étang de Thau... (puis épelant)T.h.a.u.", il donna cette réponse à sa femme comme s'il venait de trouver un mot dans sa grille. Ce couple m'invita sans me demander mon avis à prendre part à leur discussion, lui, me parla surtout du temps béni de la "vraie" SNCF sans ces maudits TGV qui posent tant de problèmes aujourd'hui, puis ils évoquèrent avec moi comme si j'étais un vieil ami la situation de "Michèle" qui venait de divorcer à 75 ans, que s'en était ridicule car enfin "se retrouver seule" à 75 ans "c'est pas malin" et lui de continuer... et puis si on se dispute un peu, c'est pas grave car enfin, "faut savoir mettre de l'eau dans son beurre" (sic) dit-il à sa femme et moi de l'interpeller très sérieusement en lui disant qu'il avait grandement raison et qu'il fallait savoir aussi mettre des "épinards dans son vin", que c'était pas malin de divorcer à 75 ans qu'elle aurait pu attendre un peu, 85 ans, par exemple. Il m'a regardé bizarrement à ce moment-là, puis sa femme a eu envie d'un milk-shake / lait frappé à la banane et lui, a téléphoné à leur fils qui devait les retrouver à la gare pour lui demander qu'il les arrêta tout à l'heure dans ce Quick situé à côté de GiFi car "ta mère a besoin d'un milk-shake à la banane..."

Dans ce train il y avait cette famille (tribu ?) de gitans exubérants créant une ambiance toute follement kusturikienne. Ils revenaient de Narbonne où "Joseph" avait gagné son match en 2 rounds par KO. Le Joseph en question dormait sur son siège, bosselé (lui, pas le siège), cependant que le reste de la tribu au fond du compartiment jouait aux cartes à grand bruit en parlant de l'arabe qui avait "mangé" sur le ring, mangeait par contre pragmatiquement des choses indéterminées mais bien odorantes dans de longs sandwiches de pain très brun, laissait ses petits chiares brailler et sauter de sièges en sièges, fumait en buvant du rosé (vrai), ce qui mettait en transe mon voisin contrôleur retraité qui me disait de temps à autre en aparté que "de son temps" ça ne se serait pas passé commé ça, cependant que ma belle voisine blonde vaquait à de nobles et bien quiètes occupations gravitant autour de la zik et du zlip. Je m'explique : gardant l'une, enfonçait l'autre (oreillette de son MP3) dans l'appendice auriculaire de son compagnon tout en fourrant en même temps sans honte ni gêne, avec même une candeur extrême, sa main droite sous le devant du pantalon de jogging de son King-Kong de copain qui avait fermé les yeux et ronronnait déjà de plaisir !

Dans ce train il y avait un skater qui essayait sa planche dans le couloir sous les yeux admiratifs des petits gitans qui l'évitaient en criant des "olés" multicolores. Il y avait plein d'autres choses... Je me suis endormi bercé de mille rêves, Arles et ses Alyscamps m'ont réveillé.

C'est bien le train entre Narbonne et Arles, c'est mouvant et vibrant, c'est la vie quoi !