Magazine Journal intime
Titanic
Publié le 19 avril 2008 par ThywanekBon : mea culpa ! Mea maxima culpa !
Voici le moment de me couvrir de cendres. Et si quelque héritage moyenâgeux m’en avait transmis les accessoires légèrement fanatisant, je me ceindrais de cilices tout en me flagellant. Mais point d’héritage de cette sorte, et c’est quand même tant mieux : faut pas exagérer : et puis c’est l’intention qui compte, n’est-ce pas ?!?
Je dresse tout de suite le portrait de la situation : c’était il y a une dizaine d’années. Certain blogueur affleurait cet âge où on est pas sérieux. Mois je venais de rompre avec une longue période de vie toulousaine et faisais mon retour dans la capitale. Je passe sur les contingences qui imposaient cette nouvelle migration ; c’est à peu près aussi intéressant que la situation clitoridienne d’une aspirante de la star cacadémie.
Lors que me réinsérant dans le magma urbain de la plus belle ville du monde j’avisais les murs qui se couvrirent bientôt d’affiches annonçant un événement artistique censément reléguer au rang de babioles pour collectionneurs le plafond de la Chapelle Sixtine, les pyramides, toute la peinture flamande, Mozart et Maria Callas, les temples aztèques, le palais de l’Alhambra, tout ce qui c’est fait de mieux dans le cinéma, etc … etc …
Il s’agissait d’un film. A moins d’être irrécupérablement autiste, d’avoir investi définitivement une grotte néandertalienne, d’être hallucinamment distrait, ou endémiquement misanthrope, je ne vois pas qui a pu échapper aux cataractes de promotions de toutes sortes dont la divine bobine fut l’objet : objet sacré évidemment.
Le Titanic : tout était devenu Titanic. On en mangeait. On en buvait. On en inhalait. Matin, midi et soir. Les chiffres d’entrées prévues dépassaient ceux réalisés là où la chose avait déjà ébloui par dizaines de millions les convertis bienheureux à l’admiration du chef d’œuvre.
Sobrement replié dans une sorte d’enclave atavique sombrement plantée de tous les doutes possibles sur ce qu’il convenait, et qu’il convient toujours, d’appeler « culture de masse », je m’accordais avec les rares commentaires émergeant du commun lénifiant, signifiant qu’il était glaçant que tant de millions et de millions de personnes se précipitent pour voir ce film, au détriment, bien sur, de tant d’autres productions, plus modestes, mais toutes au moins aussi merveilleuses, si ce n’est plus, et même davantage.
Et donc je n’allai surtout pas voir ce film. Na !
A quelque temps de là, dans des circonstances x w k z, je me trouvais simultanément en présence de quelques heures à tuer, sans être dignement armé pour ça, d’un poste de télévision, et d’une k7 contenant une copie de cette production cinématographique. « Tiens, me dis-je, voyons voir un peu … »
J’en arrive tout de suite à mon premier commentaire lorsque j’en eus fini avec le visionnage de ce film. Commentaire à moi-même adressé : « Quel crétin ! »
Oui, vraiment, quel crétin de ne pas être allé voir ce film au cinéma.
Quel crétin d’avoir simplement, esprit trop souvent virussé de ce syndrome du « village gaulois », refusé de mêler mon plaisir, devenu solitaire, à celui qu’on dû éprouvé ces millions et millions de spectateurs, dans de grandes salles obscures, sur de grand écrans, à regarder cette œuvre bouleversante.
Je tempérai par la suite ce dépit de cinéphile refoulé en me disant que ce que j’avais vu, perçu pour tout dire, ne l’avait peut-être pas été aussi clairement par tout le monde. Quoique …
Car pour me désembuer un peu de ma première impression je n’hésitai pas à procéder à un second visionnage.
Non, décidément, rien à dire. Un très très très grand film.
De tous les mythes dont nos vies rêvées, nos vies vécues, se nourrissent, il y en a un qui me touche particulièrement. Celui du passeur.
Cet être, qui quelquefois peut tout aussi bien être un événement, que nous croisons, dans un moment unique de notre existence, un moment sensible, sans qu’on en ait conscience, et dont le contenu de ce croisement va faire que nous ne serons plus jamais tout à fait le même, que nous allons changer en quelque chose de difficilement perceptible tout d’abord, mais finalement de tout à fait irréversible.
C’est le destin de Rose. C’est celui de Jack.
Selon moi tout se résume dans ce film à la petite phrase que la très vieille dame prononce à la fin du film, lorsqu’elle a fini son long récit du naufrage, et qu’il est rappelé que le jeune Jack Dawson ne figurait pas sur es listes de passagers du Titanic, puisqu’il avait obtenu son billet en jouant et en gagnant l’enjeu sur son adversaire. Cette phrase où Rose parle de : « Celui qui m’a aidée, de toutes les façons qu’une personne peut être aidée ».
Ce passeur, presque anonyme, qu’elle croise, elle dont le cours de son existence la promet à tout ce qu’il peut y avoir de plus conventionnel, de plus ennuyeux, de plus conformiste, de plus sclérosant : toute cette vieille société riche et bourgeoise dont le basculement du navire dans les abysses figure tout aussi bien une métaphore du renversement.
Il y a aussi cette image pas anodine où meurt le détestable serviteur de l’affairiste auquel Rose doit se marier, (m’souviens plus du nom…) ; le personnage se trouve à ce moment là à l’endroit précis où le bateau se déchire en deux.
Un fourmillement d’indices ponctuent ce film : références à Monet, à Freud. Toute la mise en scène concoure à isoler cette micro société flottante pour montrer du fatum. Avec l’intelligence de ne pas surligner le propos, et la qualité d’en faire un film épique d’une très grande qualité en tout point.
Le passeur. La passeuse. Cette personne que nous devons rencontrer. Que nous devons rencontrer plusieurs fois dans certain cas. Parce que nous ne voyons pas. Parce que nous ne savons pas voir. Parce que nous ne savons pas même bien ignorer de nous pour nous en remettre, baissant un peu la garde de nos défenses, à l’étrangeté. D’une rive à l’autre. D’une rive à on ne sait où d’ailleurs. Car le passeur n’est pas vraiment un guide. Il ne vous emmène pas quelque part. Il vous fait partir de là où vous êtes. De là où vous savez, où vous intuitez, secrètement, dans une tension enfouie et nimbée, qu’il faut vous extraire si vous voulez qu’il arrive quelque chose d’autre que ce qu’il vous semble devoir subir.
La plus grande part de ce qui se déroule entre le passeur et le passager échappe la plupart du temps aux deux. On ne sait pas toujours passeur. On se devine peut-être davantage celui qui passe. L’un et l’autre de toute façon ne sont rien de plus. Que des passants. On peut tout aussi bien croire au hasard ou à la destinée. Cela n’a aucune importance. On se reconnaît. On s’appréhende. On se salut. On se sourit. Et on passe. Et certain laisse en nous, après lui, un sentiment, un désir, un regard, une intelligence que nous n’avions pas : que nous ne parvenions pas à vivre.
Je disais qu’il n’est pas évident de préjuger que toutes les personnes, (plus de 20 millions rien qu’en France !...), on su recevoir ce que dit ce film Titanic. Je m’amuse à penser qu’au moins les inconscients auront capter le message. C’est peu, mais il ne faut pas toujours en attendre plus. Quitte à ce que se développe un cinéma grand public et commercial levant pour sa promotion les budgets publicitaires qui furent mobilisés pour ce film, on serait content que le contenu du produit ainsi promu et diffusé soit à la fois aussi beau et aussi riche : c’est très rarement le cas …