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Phil

Publié le 16 mai 2013 par Ctrltab

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Quand elle a décidé quelque chose, inutile de lui résister, elle ira jusqu’au bout de son idée. Où est-elle allée chercher ça ? D’abord, j’ai cru que c’était une blague. Plaisante, ma foi.

- Et si Mohamed venait avec nous ? Il pourrait s’occuper de Bonnie. Pour quelques mois seulement.

J’ai imaginé Mohamed au parc en tenue d’ici, grande chasuble et pyjama blancs, entouré des nounous pakistanaises ou africaines. Echangeant avec elles des astuces de professionnel de gardes d’enfant. « Et vous, pour les premières dents, c’est quoi votre truc ? » Je lui ai ajouté un anorak sur le dos, des chaussures de rando, une chapka sur les oreilles et c’est bon, il était prêt à affronter l’hiver londonien. Tu imagines, Frances, la scène ? Oui, elle l’imaginait très bien, c’était bien ça le problème. J’avais la tête posée sur son ventre rond, ses gros seins à portée de ma bouche, ses tétons fiers de jeune mère dressés de bonheur et moi, prêt à les dévorer. Dans cette position, elle pouvait me demander n’importe quoi. Elle le savait.

- Tu te rappelles, la chambre de bonne qu’on a découverte dans les combles, il pourrait loger là ? Non ? Il aurait sa totale indépendance. Il suffirait de quelques travaux, j’en suis sûre.

- Je croyais que tu voulais en faire ton bureau ?

- On le paierait. Je serais rassurée. Au moins, je saurais Bonnie entre de bonnes mains. Au final, c’est une combinaison gagnant-gagnant pour tout le monde.

Je ne l’ai pas prise au sérieux. Elle m’amusait quand son jargon barbare de professionnel se glissait dans ses mots. Ma jolie petite tête bien faite. J’ai répondu nonchalamment.

- Tu me surprendras toujours, Frances. Tu veux jouer à la colonialiste ? Et ramener directement ta bonne au pays ? As-tu pensé un seul moment à lui ? Il ne connait que son bled. Qu’est-ce qu’il irait faire foutre à Londres ?

- Ce n’est pas la peine d’être condescendant.

Elle m’a surpris. Pourquoi ne s’emparait-elle pas de mes rapides arguments pour les démonter un par un ? Pourquoi ne jouait-elle pas notre jeu habituel ? Celle de l’intellectuelle tout occupée à penser tout haut tandis que je m’emparais de son corps. Je ne la croyais pas encore, j’avais tort.

- Il y a peut-être plus simple, non ?

- Oui, mais peut-être pas aussi idéal.

- Voyons, Frances, tu ne peux pas décider du sort des autres ainsi.

- Non. C’est vrai. Ils sont tout à fait libres de me dire non.

Je l’ai entièrement dévêtue. Je ne l’écoutais plus. Moi, j’étais incapable de dire non à une telle femme.

- De toute façon, c’est juste une idée.

Elle était déjà allée trop loin. Elle a ajouté : une simple proposition. Habile stratège, elle n’a pas insisté davantage. A la place, je lui ai sucé le téton gauche puis le droit, elle a gémi. Moi aussi. J’ai mis ma main entre ses cuisses. Ravi d’y être accueilli par son humidité chaude. J’ai remonté jusqu’à sa bouche, j’y ai introduit ma langue. J’ai aspiré son haleine. J’ai enfoui ma tête au creux de sa nuque pour la respirer encore. Sa nudité contre la mienne. Mon désir et mon amour entremêlés. Nous avons fait l’amour doucement, lentement. Profitant de l’accalmie provisoire des cris et des chagrins nocturnes de Bonnie. Je me suis endormi contre elle. Heureux, dans le silence des nuits de l’oasis, ponctuée des seuls hennissements répétés des ânes au loin. Mes rêves ont pris la forme d’une spirale de questions. Ou plus exactement celle d’un escalier en colimaçon. Avant de venir ici, nous avions trouvé une chambre de bonne dans les combles de l’immeuble. J’ai remonté l’escalier que nous avions parcouru ensemble il y a un mois. J’ai poussé la porte et là, j’ai vu ce qui me faisait le plus peur. Ma femme nue dans les bras de Mohamed.


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