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Panégyrique d'un sage méconnu

Publié le 21 avril 2008 par Laura Dove

Je ne sus jamais exactement d'où venait l'érudit qu'hébergeaient mes parents ni quelle avait été sa vie avant d'entrer au service de mon père, et, pour être honnête, je ne m'en préoccupais guère à l'époque. Lui-même se montrait particulièrement peu disert quant à son passé. Néanmoins, des révélations lui ayant échappé et diverses rumeurs qui couraient au château sur son compte me permettent de retracer à gros traits son histoire.

Grégoire, dont ce n'était certainement pas le nom, avait jadis appartenu au clergé -- régulier ou séculier, je l'ignore. Contre la volonté de sa hiérarchie, il enquêtait sur les phénomènes occultes, persuadé que seule la connaissance permet à l'homme de triompher des manifestations ``démoniaques''. Malheureusement, il se piqua de curiosité pour ce qu'il entendait combattre; peut-être conduisit-t-il lui-même quelques expériences interdites.

Lorsque survinrent des événements tragiques impliquant directement ses recherches, il fut arrêté et soumis à la question. Il put néanmoins échapper rapidement à ses geôliers -- profitant, je pense, d'une assistance surnaturelle -- et fuit la région. Il seconda un marchand durant de nombreuses années puis, à la suite de son décès, accepta l'hospitalité de mon père et se fixa définitivement chez nous.

En-dehors de son rôle de précepteur pour mes frères et moi, il était libre de mener les études qu'il désirait. S'il pouvait se plonger des heures durant dans la lecture des Saintes Ecritures, il ne dédaignait pas pour autant la littérature profane et se réjouissait de chaque manuscrit que nous pouvions acquérir. Je crois qu'il jouit chez nous d'une vie agréable jusqu'à sa terrible fin, quoique ma fréquentation d'un vampire et ma transformation le peinèrent sans doute profondément.

Le vieux lettré était un homme respectable. Je réalisai bien trop tard combien je devais à ce sage à l'âme bénigne, toujours prêt à me pardonner mes écarts. Si je lui avais fait confiance, si je ne l'avais pas dédaigné par arrogance, qui sait si la tragédie n'eût pu être évitée? Hélas! Il ne restera de lui que le jugement de son regard, gravé au fer rouge dans ma mémoire.


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