A voté

Publié le 23 mai 2013 par Insideamerica

Puisque l’autre s’est faite virée par le conseil constitutionnel, faut en choisir un nouveau. Un député. Un type* pour représenter les Français d’Amérique du Nord à l’Assemblée Nationale. Un type pour aller arracher des décisions dont les 576 autres députés se foutent complètement. Un petit gars courageux pour convaincre que de vivre à Los Angeles ne justifie pas forcément d’une CSG 30% plus élevée sur les loyers perçus d’un appartement parisien, que celle que l’on payerait sur le même appartement parisien en vivant à Bordeaux. Un type pour dire qu’on serait heureux de transmettre un peu de culture française à l’étranger, mais que le prix d’une année de CM1 au Lycée Français ne vaut pas forcément le celui d’un master degree à UCLA. Un type pour dire qu’on veut bien répondre aux emails de tous les étudiants français qui cherchent un stage à l’étranger, intéressant et si possible proche de la mer, mais pas forcément pour leur expliquer les démarches administratives qu’ils devraient accomplir en France en premier lieu. Un type enfin, pour expliquer qu’on ne peut pas à la fois encourager les entrepreneurs français à prendre pied sur le marché américain, et interdire à Dailymotion de s’allier à Yahoo!

C’est ce type qu’on nous demande de choisir parmi quelque 12 candidats à la « circonscription » d’Amérique du Nord. Arrivent les candidats. Louis Giscard d’Estaing, fils de président et maire de Chamallières, nous explique que puisque Michelin dirige ses opérations américaines depuis Clermont Ferrand**, il est bien placé pour comprendre l’Amérique. Frédérique Lefebvre, ancien ministre, nous explique que lui au moins, on le verra à la télé, et que ça nous donnera plus de force. Les autres sont des anonymes, universitaires et installés à Montréal, ils parlent mal l’anglais, militent pour une économie verte, la justice sociale, et pour qu’on leur offre un billet Air France pour aller se réchauffer à l’Assemblée Nationale en hiver. J’en oublie un, Damien Reignard, pur peanut butter et cranberry sauce, installé à la Nouvelle Orléans depuis 17 ans, courageux et bourré de bonnes intentions, mais trop sympa pour les exprimer sans demander pardon.

On ne sait pas pourquoi, mais on a voté quand même. Moins par conviction que pour satisfaire un vieux réflexe de Français de France, et parce qu’on pouvait le faire par Internet. La distance, et le temps passé ici nous ont éloigné de la politique et de la France. Soyons honnête, si mon regard sur les candidats est un peu cynique, c’est aussi sans doute pour cela. Si cette élection a un sens, c’est de me faire réaliser que je suis devenu plus emigré qu’expatrié. Un Français de l’Etranger un peu plus étranger chaque jour qui passe…

* Forcément un gars. Y a plus de fille.
** Ce qui est faux, bien entendu.