Comme le temps passe.- Il est toujours bon de s'absenter quelque temps de son domicile ordinaire, n'était-ce que pour constater une fois de plus que, si les choses continuent d'exister en notre absence, notre retour semble à chaque fois leur rendre un surcroît de présence - il semble même qu'elles nous attendaient et se trouvent comme soulagées de nous retrouver; et puis de nouvelles couleurs sont apparues: du vert aux feuilles des arbres et des constellations blanches sur le pentes à narcisses; enfin quelque chose, peut-être un drame muet, s'est passé dans l'isba dont le plancher est jonché des débris d'un nid défait - probablement commencé par des oiseaux profitant de notre absence, puis arraché des poutres par la tempête ou les fouines et retombé là sans trace pour autant de combat.
Et voici qu'il neige sur l'isba, mais pourquoi s'en ombrager et conclure que rien ne va plus ? On sait de source sûre que ce mois-là reste sous la protection d'Apollon et que le soleil va se confier bientôt aux Gémeaux nés d'un oeuf de cygne. L'excellent Alexandre Vialatte nous rappelle qu'on sème en mai, neige ou pas, la tétragone et le trique-madame, qu'on s'apprête à rejeter ses flanelles après avoir planté les oreilles d'ours et la postophe d'hiver. Le 25, l'Almanach des Quatre Saisons nous rappelle qu'on fêtera Philipe Néri, ce saint charmant entre tous.
Et Vialatte de rafraîchir une vieille recette à propos de l'escargot, qui s'épanouit au mois de mai: "Faites-le jeûner au cas où, dans son imprudence, il aurait mangé de la ciguë. Hâchez-le avec des noix fraîches après cuisson au court-bouillon: persil, pointe d'ail; fourrez-en une omelette. Mangez. Arrosez d'un bourgogne. Prenez ensuite des pilules pour le foie".
Le 20 mai dernier, notre ami évoquait, dans la foulée du philosophe Michel Serres, l'"universelle solitude de Mademoiselle Poucette". J'en aime beaucoup la conclusion qui eût ravi son mentor occulte: "Si Miss Poucette égare son portable, elle se sent «débranchée», privée d’amitié, aux abois comme jamais elle ne l’a été lorsque c’est à domicile qu’elle était connectée à la Toile. A cette époque, elle prenait le temps de réfléchir avant de tripoter son clavier fixe. S’il n’y avait pas de réponse immédiate à ses courriels, elle ne se rongeait pas les sangs. La pause était encore un art, une hygiène."
Mais la lectrice et le lecteur s'impatientent de lire l'entier de la chronique de Gilbert Salem, qu'il trouveront sur la Toile (http://salem.blog.24heures.ch ) avant de se régaler à la lecture de la précédente consacrée à l'éternelle indécision du Vaudois disant plutôt oui quand il pense plutôt non, et inversement...
Alexandre Vialatte. Almanach des Quatre Saisons. Préface de Jean Dutourd, Editions Julliard, 1981.