Humour de saison

Publié le 24 mai 2013 par Jlk

Notes de l'isba (36)  

Retour à Chaval. - Il fait gris, il neige en mai, on caille, bref c'est le bonheur: ainsi parlerait Chaval. D'ailleurs la façon suppliante de notre fox Snoopy de nous réclamer une première miette matinale nous y pousse après vingt jours de séparation : il faut revenir au chien, donc à Chaval. Ensuite on pourra revenir à Chardonne, pour le style, ou à Scott Fitzgerald pour les moires de bonheur et pour Gatsby dont on parle beaucoup ces jours à cause du nouveau film et de Leonardo di Caprio qui y fait paraît-il merveille, mais c'est à voir encore: on jugera sur pièce.  

Désespoir de façade. - Jacques Chardonne, qui emprunta son nom de plume à un village vigneron de nos environs, fut le styliste par excellence, évitant l'adjectif et toute fioriture ou pittoresque, toute boursouflure romantique surtout, pour mieux filer l'ellipse et la formule. Ainsi: "Les hommes ne sont pas désespérés. Ils jouent au désespoir". Valable pour beaucoup de nantis repus. Et Vialatte d'ajouter: "Parce que c'est excitant".

Chaval était, pour sa part, un authentique désespéré, comme souvent les vrais humoristes, et d'autant plus drôle alors qu'il a payé de conséquence. S'est-il pendu ou tiré une balle ? Je ne me le rappelle pas, mais ce qui compte est le paraphe. Ah oui je me le rappelle pourtant: Chaval s'est suicidé au gaz dans sa cuisine quatre mois avant Mai 68, non sans avoir averti l'éventuel visiteur par ce billet punaisé à sa porte: Attention, danger d'explosion. 

Et Dieu là-dedans... - Chaval a su montrer le Chien se retenant d'uriner devant un palais présidentiel. Or notre fox Snoopy atteint l'âge d'un an où l'on peut commencer de s'inspirer de bons exemples en matière de civisme, avant d'accéder à la ferveur religieuse que manifeste parfois l'autruche, parfois contrariée aussi comme le montre Chaval dans son Prêtre refusant la communion (Dieu sait pourquoi) à une autruche sincèrement catholique.

À ce même propos, Chaval montre un Envoyé de Dieu renvoyé à l'expéditeur, avec la caisse ad hoc conçue à cet effet. On voit par là combien il lisait dans l'avenir, tant les envoyés en question se multiplient de nos jours. C'est en tout cas ce que remarque Benoît Duteurtre dans ses récentes Polémiques, où il fait le compte de ses camarades de lycée ou d'université naguère indifférents ou sceptiques, en matière religieuse, et soudain se découvrant envoyés du Seigneur monothéiste à triple visage. Et cet autre humoriste, plus débonnaire à vrai dire que Chaval mais non moins sérieux, de se demander tranquillement, en voltairien peu porté à l'anathème à l'envers, ce que tout cela peut bien signifier.

Ce qui est sûr est que l'autruche sincèrement catholique d'aujourd'hui, loin d'être snobée par le prêtre, est en passe d'en être bénie avec d'autres espèces, comme certains de nos pasteurs bénissent les animaux de compagnie et autres hamsters. Et c'est ainsi, conclurait Alexandre Vialatte, qu'Allah est grand... 

Alexandre Vialatte, Critique littéraire. Arléa. 

Benoît Duteurtre, Polémiques. Fayard. 

Image: Chaval, Pharmaciens fuyant devant l'orage.