Crédit photo: Etienne Boucher/FlickR
Il arrive un moment dans toute vie, même dans la mienne, où on sent qu'un changement s'est opéré.
Ce week-end, j'ai quitté Paris pour un dimanche familial dans la campagne dorée de ma mère. J'y allais pour fêter les 23 ans de mon petit frère, pour profiter de l'apaisement que procure mon jardin, pour me retrouver attablé avec mes frangins, et regarder ma mère essuyer fous-rires sur fous-rires.
Je me retrouve dans cet immonde T.E.R qui a tant empli ma jeunesse, et réalise qu'aujourd'hui est bien différent d'hier. Plus aucune provocation dans une tenue ostentatoirement couture. Plus aucune envie d'être déjà 19.00 pour être sur la route du retour. Le Monde a remplacé Vogue, la sobriété de Marcel & Marcel et de mes Converses à remplacé le clinquant de Gucci et l'excentricité de Rautureau, Paris a remplacé Lille, un certain apaisement à voir la campagne arriver a remplacé l'agacement grandissant fâce à tous ces arbres.
D'un autre coté, il y a quelque chose d'immuable dans ces déjeuners familiaux. Maman qui s'agace du bruit que mes frangins et moi faisons à table, ma Grand'Mère qui me pose la sempiternelle question "Quand passes-tu ton permis ?", ma Marraine et moi qui echangeons nos cigarettes, V. et Q. qui se vannent, me vannent, m'emmerdent et me font pleurer de rire. Mon frangin qui ne quitte pas sa guitare. Les mêmes déjeuners, les mêmes éclats de rire, les mêmes promenades dans le village, où je vois Maman saluer tout le monde. Les mêmes belles maisons en briques rouges. Le même oubli de la vraie vie Lilloise, Parisienne, citadine. Le même sentiment de ressource. Pourtant, cette fois, certaines choses sont nouvelles. On discute de Paris, de Lille. De mes études, de mon job. De mes opportunités professionnelles. De mes tactiques pour me positionner. De ce cabinet de recrutement qui m'a contacté. Je réalise que je suis prêt à enfin quitter mes études. A prendre un vrai travail pour enfin entrer dans la vraie vie. Je pense toujours à (encore) continuer mes études, bien sûr, lui dis-je. Mais je me sens prêt à sauter dans le grand bain. Je la vois sourire. Une once de soulagement. On parle aussi d'elle qui vient d'acheter une maison. Et a vendu celle-ci. De moi, qui ne suis plus sur Lille. Et d'elle qui y vient. Je réalise également que je n'y reviendrai pas de sitôt. Parce que je suis bien sur Paris. Je l'ai dit, celle ville me sied. Et aussi, parce que j'aurai l'impression de revenir en arrière. Je me sens prêt à avancer. Quitte à sauter dans ce foutu grand bain, autant qu'il soit vraiment grand. Excitant. Le soir, je rentre voir C&T. Je n'ai pas vraiment envie de partir. Le soleil a réchauffé la journée, et je veux que cela dure encore. Ca aussi, c'est nouveau. Le soleil aussi, d'ailleurs. J'engueule ma mère, parce qu'elle n'a toujours pas vu mon appartement. Elle me promet de faire son possible. Elle vient tout le temps sur Paris. Elle sourit. Je suis grand, maintenant. Je le vois. Je le vois dans ses yeux et dans son sourire. Je lui promets alors d'être là pour son déménagement. Sur le chemin du retour, je sors mes lunettes de soleil alors qu'il est 19.12, un bouquin de Plum Sykes, bien léger comme il faut, et écoute La Vie en Rose version Brasil. Un peu de légereté. En souvenir du bon vieux temps...