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Moi, rêveuse barrée, j’ai le droit de te chier dans la bouche

Publié le 29 mai 2013 par Hesperide @IsaBauthian

Mot-clef du jour : « qu’est ce que la vie d’adulte »

Je vous préviens, cette note ne va pas respirer la diplomatie.
Parce que des fois, quand on me hérisse trop, j’oublie un peu d’être douce et pure.

Ceux qui se sont réveillés d’une cryogénisation ce matin l’ignorent peut-être, mais La Vie d’Adele, adapté de la bande dessinée Le Bleu est une couleur chaude de Julie Maroh, a reçu la Palme d’Or à Cannes.
S’en est suivi une polémique (ou, plus exactement, un gros gloubi-boulga de polémiques), le réalisateur, Abdellatif Kechiche, ayant été successivement attaqué pour avoir (1) omis de préciser que son film était adapté d’une bd, (2) zappé complètement Julie Maroh dans sa logorrhée de remerciements, (3) volé des images dans une manif lesbienne et (4) traité son équipe comme de la merde lors du tournage. Personnellement, je trouve la polémique n°1 mal formulée, les trois autres tout à fait justifiées, et qu’en tout cas ça commence à faire beaucoup. Mais on s’en fout, c’est pas de ça dont je voulais parler.

Je voulais parler de ces gens qui le défendent. Et plus exactement, de ceux qui le font avec l’argument suivant : « Non mais c’est bon, c’est sa personnalité décalée qui fait son talent. On n’attend pas d’un artiste qu’il marche dans les clous. D’ailleurs il fait de super films donc il a le droit. Et un artiste, ça doit être différent ».

« Un artiste, ça doit ».
C’est là que je voulais en venir.

Un artiste, ça doit être fou, fragile, ingérable, décalé, barré, rêveur.
Un artiste, du moment qu’il fait de belles œuvres, ça a tous les droits.
Ah, et ça a besoin d’être aimé, aussi. Et ça fait des oeuvres parce que ça coûte moins cher que de nourrir un labrador.

Je ne peux m’empêcher de constater que ces injonctions, quoique parfois reprises par certains artistes en mal de clichés, sont le plus souvent assénées par des gens qui… AURAIENT voulu être artistes. Amateurs plus ou moins éclairés, doux rêveurs, critiques, profs d’art*… Mes amis, ne vous êtes-vous pas demandés, des fois, si une des RAISONS pour lesquelles vous n’avez pas sauté le pas est précisément que vous avez une idée complètement foireuse de l’activité artistique ?

Mais ça, finalement, c’est votre problème. Le mien est tout autre, et c’est là que je vais être vulgaire.
Le mien, c’est de me demander DE QUEL FOUTU DROIT vous osez nous dire ce qu’est la réalité de notre métier et, pire, de notre PERSONNE ? De quel droit faites-vous de nous le réceptacle de vos fantasmes, comme ces dragueurs dégueulasses qui affirment que « cette fille, en fait, elle m’aime, mais elle ne le sait pas » ? Par quel égoïsme, par quelle prétention, par quelle indécence procédez vous ? Est-ce que vous vous permettez la même chose avec votre boucher, votre banquier et votre kiné, ou est-ce que c’est une petite boule puante juste pour nous ?

Vous savez pourquoi je suis devenue artiste ? En vrai ?
Déjà, j’ai toujours eu envie de faire un métier dirigé vers les autres. De me « sentir utile ». J’ai pensé à la médecine, à l’enseignement, au journalisme, à la recherche… j’en ai d’ailleurs tenté certains. Je voulais faire réfléchir, amuser, je voulais interroger.
Ça, c’est la belle raison. La seule que vous allez retenir si votre mauvaise foi dépasse mon imagination.
Car,  au moins autant, je voulais être indépendante. J’ai toujours eu du mal avec les horaires imposés. Pas de souci avec les patrons, mais un besoin de respecter mon rythme. Or, plusieurs métiers m’auraient permis cela en prenant moins de risques.

Alors pourquoi artiste ?
Parce que j’avais des facilités.
VOILA ma raison numéro 1.
J’ai été un mauvais chercheur, une vendeuse exécrable, une médiocre journaliste d’investigation. J’ai préféré être un bon écrivain.
J’ai fait ce job (et OUI PUTAIN, bande de cons éthérés, on a le droit de dire « job » quand on parle d’une activité artistique) parce que je savais le faire. Je suis devenue artiste parce que c’était SIMPLE. Et sérieusement, à bien des moments, j’aurais préféré être plutôt bonne en maths.

Les artistes ne passent pas leur vie à rêver. Rares, même, sont les métiers qui demandent d’être aussi terre à terre, aussi conscient des réalités.
Les artistes sont des gens comme vous, avec les mêmes contraintes, les mêmes envies, la même diversité de caractères, de forces et de faiblesses.
Et les artistes ont les MEMES droits et les mêmes FOUTUS DEVOIRS que chacun d’entre vous.

NON, faire de l’art n’est pas un passe-droit pour cracher à la gueule de son prochain, en tout cas pas sans rendre de comptes.
Et non, un artiste qui se préoccupe d’autrui ne fait pas des œuvres consensuelles. Fait des œuvres consensuelles un artiste avec une MENTALITE consensuelle. Et fait de belles œuvres, quel que soit son style, un artiste qui a de la foutu putain d’EMPATHIE !

Ce matin, sur FaceBook, je suis tombée sur cet article, évoquant un photographe qui trouve trop malin de faire pleurer des gamins pour prendre des photos.
Des bonnes photos, mais dont je doute que leur existence méritait de venir emmerder des mômes pour qui, rappelons-le, ce qui est une contrariété à nos yeux peut être, à la lumière de leur inexpérience, vécu comme un drame, même si ça nous parait con.
Je trouve que c’est la facilité absolue et, surtout, je trouve ça dégueulasse.
J’ai envie de lui dire que s’il veut du vrai sentiment, des vraies larmes, il peut se mouiller un peu et aller photographier de vrais drames, vu que c’est pas ça qui manque.
Ça fait de moi une coincée sans humour ? C’est pas normal de la part d’une artiste ?
Ben si tu penses ça, mange-toi ma consensualité dans la tronche, va te faire prendre avec du verre pilé, et achève tes plaies avec un lavement au jus de citron !
Ça va ? C’est suffisamment rock’n roll ?

* certains excellents, ce n’est pas la question, et NON, pas tous, ne venez pas me gonfler avec « tu généralises sur les profs et les critiques, c’est un peu facile, gnagnagna ». 


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