Même s’il compte quelques détracteurs parmi les féministes, les anticommunistes ou les photographes, Picasso reste n°1 au top 50 des meilleurs peintres de son siècle. Dali proposait un autre classement, entièrement conçu pour reléguer Picasso quelques places derrière lui, avec une note de 10/20 si je me souviens bien - mais ce déclassement malicieux ne s’est pas imposé.
Un professeur de dessin chevronné me confiait récemment qu’il vaut mieux considérer Matisse comme un «designer» plutôt qu’un peintre à part entière. Ce professeur veut dire que Matisse s’éloigne trop des lois de la nature, à l’instar de certaines hypothèses mathématiques farfelues.
On sous-estime généralement l’apprentissage précoce de Picasso auprès de son père. L’argument du génie est plus épatant, et Picasso lui-même préférait passer pour un self-made-man. En peignant des toiles académiques à dix-sept ans, suivant les leçons de son paternel, Pablo a peut-être évité de les faire à cinquante. « Tout le monde a du génie à dix-sept ans, dit Degas, mais c’est plus difficile d’en avoir encore à cinquante. »
Une technique académique pour des sujets académiques, comme la communion ci-contre, ou bien encore un «Charité et Science». Aujourd’hui, pour faire académique, il faudrait peindre «Sea, Sex & Sun», en attendant que la moralisation de la vie artistique aboutisse.
Cette communion, qu’un reste de maladresse rend presque touchante, nous rappelle que le prêtre catholique est lui aussi un artiste, et pas des moindres, puisqu’il crée dieu, ou du moins une partie, consacrant l’hostie («victime»), avant de la manger.
«Le prêtre ouvrit le calice ; il prit entre ses deux doigts unehostieblanche comme la neige, et s’approcha d’Atala, en prononçant des mots mystérieux.» F.-R. de Chateaubriand (in «Génie du christianisme»). On peut penser que cette mystérieuse alchimie impressionna aussi le jeune Pablo, longtemps avant de devenir le pape de la peinture moderne et de produire des œuvres dont il est seulement permis de dévorer le mystère... des yeux.
Comme a dit un savant alchimiste : «Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme.»
FLR