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3 juin 1926 | Naissance d’Allen Ginsberg

Publié le 03 juin 2013 par Angèle Paoli
Éphéméride culturelle à rebours


GINSBERG PAR RANCILLAC
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Le 3 juin 1926 naît à Newark, dans le New Jersey, Irwin Allen Ginsberg. Il est le fils puiné – son frère Eugène a cinq ans de plus que lui – de Louis et Naomi Ginsberg. Son père, professeur d’anglais et poète, est un Juif social-démocrate ; sa mère, « immigrante russe hallucinée » est communiste. En raison des graves troubles psychiques dont elle est affectée, Naomi Ginsberg subit une première hospitalisation qui sera suivie d’autres périodes d’internement.

Après des études brillantes au lycée de Paterson, Allen entre à l’Université de Columbia, à New York, en septembre 1943. En décembre de la même année il fait la connaissance de Lucien Carr qui lui présente d’autres amis. David Kammerer et William S. Burroughs. Ensemble ils forment les premières composantes de la « Beat Generation » dont feront partie Neal Cassady, rencontré à Denver (Colorado) en 1946. Jack Kerouac fera de Cassady le héros de ses deux grands romans : Sur la Route et Visions de Cody.

En juin 1944, la rencontre de Jack Kerouac marque un moment décisif dans la vie de Ginsberg. L’amitié qui lie les deux jeunes gens sera indéfectible. L’épopée beatnik prend son essor. Tout en se faisant le porte-parole de ses amis écrivains, Allen Ginsberg se consacre au texte poétique qui prendra le titre de Howl (Hurlement). Dédié à Jack Kerouac, à William Burroughs, Neal Cassady et Carl Salomon, le poème de « Howl » – qui donnera son titre au recueil publié en 1956 et préfacé par William Carlos Williams – est lu pour la première fois par Ginsberg à la Six gallery de San Francisco le 7 octobre 1955. Lecture-performance mémorable qui remporta un vif succès, inaugura sous la plume d’un journaliste, l’apparition de l’expression « beat generation » ainsi qu’une nouvelle ère poétique. Marquée par l’esprit de révolte et de contestation des valeurs américaines tant politiques que religieuses ou institutionnelles, la « beat generation » se déclare être l’adepte des voyages et explorations intérieures inédites dans lesquels les drogues dures, associées à l’alcool, jouent un rôle fondamental. Quant à l’écriture, liée à ces expériences nouvelles, elle s’attache à trouver des formes non encore exploitées jusqu’alors.

Dans le même temps, Ginsberg se tourne vers les pratiques bouddhistes, considérant la poésie comme un « antique yoga ».

En 1961, Ginsberg publie Kaddish (prière pour les morts) commencé à Paris en 1957. Ce recueil tout à la fois « poème, récit, cantique, lamentation, litanie et fugue » est inspiré à Allen par Naomi Ginsberg dont l’histoire tourmentée est à l’origine des troubles psychiatriques, délires et folie, qui l’accompagneront jusqu’à sa mort.

Ginsberg entreprend une série de voyages, au Maroc et en Europe avant de rentrer aux États-Unis. Puis il effectue un séjour en Indes (1962-1963) avec son ami Peter Orlovsky. Il rentre seul aux Etats-Unis. Il écrit The Change puis Back to the wall.

Influencée par le bouddhisme en même temps que par la tradition judaïque, la poésie de Ginsberg est également ancrée dans la modernité et le quotidien. Le poète pratique les collages, les ruptures de rythme, l’éclatement syntaxique. La musique « pop » et le jazz ont leur place dans cette écriture dont l’objectif est de recouvrir l’ensemble des expériences humaines.

Être « beat », c’est affirmer avec Ginsberg : « La liberté c’est juste un mot qui signifie plus rien à perdre .»

EXTRAIT DE SUR LA ROUTE DE JACK KEROUAC

« Un soir, grande fête chez Burdford – sa mère était partie en voyage. Il a commencé par appeler tous ces potes, en leur disant d’apporter du whisky ; ensuite il a pris son carnet d’adresses pour les filles, et là il m’a laissé parler presque tout le temps. Il en est venu une sacrée bande. J’ai décroché le téléphone pour appeler Allen et savoir ce que Neal faisait. Allen l’attendait à trois heures, je les ai rejoints après la fête. L’appartement d’Allen était un sous-sol sur Grand Street, dans un vieux meublé en brique rouge, près de l’église. Il fallait prendre un passage entre deux immeubles, descendre quelques marches, pousser une porte mal équarrie et traverser une sorte de cave pour atteindre sa porte de planches – on se serait cru chez un saint russe. Un seul lit, une chandelle allumée, des murs qui suintaient, et une drôle d’icône de fortune, fabriquée par lui pour la circonstance. Il m’a lu son poème, qui s’appelait « Déprime à Denver ». Il se réveillait le matin pour entendre les « pigeons vulgaires » se chamailler devant sa cellule ; il voyait les « tristes rossignols » agiter leur tête dans les branches ; ils lui rappelaient sa mère. Un linceul gris s’abattait sur la ville. Ces Rocheuses magnifiques, qu’on voit se dresser à l’ouest où qu’on soit dans la ville, étaient pour lui des montagnes en « papier mâché ». Tout l’univers était fou, louche, carrément bizarre. Neal, « fils de l’arc-en-ciel », portait son tourment dans sa bite-martyre. Il l’appelait Eddie l’Œdipe, lui qui grattait le chewing-gum collé sur les carreaux. Brierly devenait Maître de ballet de la Danse Macabre. Dans son sous-sol, Allen ruminait son énorme journal, où il consignait tout ce qui se passait tous les jours que Dieu faisait – tous les faits et gestes de Neal. Il m’a raconté sa virée en car : « Pendant qu’on traversait le Missouri, un orage miraculeux a éclaté, le firmament n’était plus qu’un pandémonium électrique. Dans le car, tout le monde était terrorisé. J’ai dit : “N’ayez pas peur, ce n’est qu’un Signe”. » […]

Jack Kerouak, Sur la route, Le rouleau original, Éditions Gallimard, Collection Du monde entier, 2010, pp. 179-180. Édition établie par Howard Cunnell. Préfaces de Howard Cunnell, Penny Vlagopoulos, George Mouratidis et Joshua Kupetz. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Josée Kamoun.



ALLEN GINSBERG

Ginsberg

Source

■ Allen Ginsberg
sur Terres de femmes

Kenji Myazawa
→ 11 octobre 1961 | Allan Ginsberg, Journal 1952-1962

■ Voir aussi ▼

→ (sur le site de Christian Bourgois éditeur) une fiche descriptive d'Allen Ginsberg
the website of the Allen Ginsberg Estate



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