Dans les premiers mails échangés après la formation, on sentait une vraie envie de communiquer et de rester en contact, mais aussi une petite raideur : chaque message, même de deux lignes, avait été consciencieusement relu, retourné, soupesé, afin de s’assurer qu’aucune vilaine faute de frappe ou d’orthographe, qu’aucune syntaxe branlante ou vilain pléonasme masqué ne viennent ruiner notre crédibilité auprès de nos collègues.
Depuis, on s’est lâché. Il y a le boulot, et il y a la vraie vie, celle où l’on cause et l’on écrit parfois à la va-que-je-te-pousse. Après tout, une fois rentré chez lui, le chef a le droit d’ouvrir une boîte de raviolis pour ses enfants ; l’infirmière celui de ne pas s’enquérir de la santé de son mari ; le cordonnier d’être mal chaussé.
Donc, maintenant nous nous écrivons normalement, sans crainte d’être jugées, mais surtout, nous nous écrivons dans la solidarité. Parce que notre langue et les règles de typographie sont pleines de pièges infernaux – je ne donnerais pas cher d’ Indiana Jones et de son fouet s’il partait à la recherche du circonflexe perdu –, nous nous tenons informées des textes que nous corrigeons et nous interpellons régulièrement sur des passages épineux. Nous ne sommes pas toujours d’accord, ça bataille, ça argumente, mais toujours dans le respect et le souci de comprendre. Bref, c’est chouette, un peu de correction dans ce monde de brutes.