UNE VIE
Aura-t-elle eu le temps de feuilleter des souvenirs ? Elle était
en façade fort peu versée vers le passé ; il y aurait alors eu
l’odeur d’étable et de cuisine à la ferme natale,
des pains frottés d’huile d’olive l’été dans les monts du Lyonnais,
des bals de promotion, des cafés à Dijon noyés de cigarettes,
les nuits à lire à l’internat, une lampe cachée sous les draps,
un triste rendez-vous en Suisse, quand seule et mineure,
elle avait en vain tenté d’avorter – l’aube blanche en Champagne,
toutes les teintes d’une terre arpentée par goût revanchard du voyage,
la mort d’un frère au fond d’un ravin, la souffrance
ordinaire de ce qu’on perd : parents, vieux amis, un mari
diminué qu’on s’obstine un temps à sortir, puis en dernière image
au loin entre les cils brûlés de sel et de soleil sur fond tremblant de mer
à jamais j’en suis sûr le profil d’un enfant.
Olivier Barbarant, « Une vie » in Élégies étranglées, Champ Vallon, Collection recueil, 2013, page 51.
OLIVIER BARBARANT
Source
■ Voir | écouter aussi ▼
→ (sur le site de France Culture) Alain Veinstein reçoit Olivier Barbarant pour ses Élégies étranglées (émission Du jour au lendemain du 30 mars 2013)
→ (sur le site du cipM) une belle notice bio-bibliographique sur Olivier Barbarant
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