Une si chère amie

Publié le 07 juin 2013 par Agathesp

Quand j’étais enfant et que je venais en vacances à Trifouilly, nous étions toute une bande à peu près du même âge. Ha! il y en a eu des cabanes, des barrages dans le ruisseau, des parties de foot dans la petite rue, de la luge et des igloos… C’était le bonheur, l’insouciance…

Dans la bande, il y avait bien sur l’Ami d’Enfance (qu’on ne présente plus), mais aussi Isa.

Elle était de deux ans mon ainée et dans tous mes souvenirs d’enfance, c’est elle la plus présente.

Contrairement à tous le reste de la bande, elle habitait Trifouilly. Nous avons presque 30 ans maintenant, et grâce à internet et à la télévision, même le coin le plus reculé de France n’est plus tant isolé qu’à l’époque où nous étions enfants.

Père absent, mère tout juste bonne pour l’asile, Isa vivait avec sa tante, sa mère et sa grand-mère dans une maison presque en ruine où  le plancher était recouvert de sciure et où les toilettes consistaient en un trou dans une cabane dehors, il n’y avait bien évidemment pas de salle de bain. La télé, c’était par beau temps et quand en hiver, le poêle ronronnait dans la cuisine, unique pièce chauffée, toutes ces femmes se retrouvaient et en général s’engueulaient.

Dès le premier jour des vacances scolaires, hiver comme été nous arrivions à Trifouilly, il ne fallait pas 5 minutes pour qu’on voit Isa débarquer et c’était parti pour des journées entières de jeux, de rires, de confidences et de bétises. Tous les soirs à l’heure du dîner, sa mère venait la chercher et on se cachait pour continuer à être ensemble. Ces moments que nous passions ensemble étaient les seuls durant lesquels Isa était une enfant comme les autres, ma mère la gâtant autant que moi. Parce que dans la vie de tous les jours, Isa allait bien sur à l’école mais n’avait pas vraiment d’amis, sa vie était loin d’être rose…

Tout au long de l’année, nous nous écrivions de lettres interminables. Je ne sais même plus ce qu’on y racontait mais inlassablement elles se terminaient par un « vivement les vacances ».

Puis l’adolescence est arrivée, nos jeux d’enfants ont laissés place à de longues discussions sur les garçons avec en tête, l’Ami d’Enfance, ce beau gosse qui faisait chavirer nos coeurs, notre premier émoi. De cette période, mes souvenirs sont plus flous, surement parce que quand apparaissent les sentiments amoureux, un peu de l’innocence s’en va… Moi j’étais encore un bébé mais Isa n’avait pas froid aux yeux! Et entre elle et l’Ami d’Enfance il s’est passé quelque chose. Quoi? je n’en sais rien en fait, surement pas grand chose (ou peut-être si) et tout d’un coup, alors que je nourrissais envers lui des sentiments inavoués, j’ai du  être le témoin parfois actif de leur flirt.

J’étais très jalouse, d’autant qu’en grandissant, Isa ne devenait pas vraiment une belle plante, elle restait cette gamine gauche et morveuse que sa mère avait affublé d’une permanente, je ne comprenais pas ce que l’Ami d’Enfance pouvait bien lui trouver. J’en ai parlé plusieurs fois avec lui, plus tard et bien que nous nous disions presque tout, il est toujours resté évasif sur cette histoire.

Un jour, pour les vacances de la toussaint nous sommes arrivées à Trifouilly avec ma mère et pas d’Isa. Elle était partie de chez elle avec un homme beaucoup plus âgé, j’avais 14 ans et je pense que ça a été ma première vrai déception. Elle n’avait même pas pris la peine de me tenir au courant, moi sa plus fidèle amie et je me suis sentie trahie.

Puis elle est revenue, elle m’a raconté, il fallait garder ça secret… Elle ne traînait plus avec nous, nous prenant un peu de haut, elle devenait une adulte et nous laissaient tous derrière. Moi j’étais plutôt satisfaite, nos liens se sont soudés avec l’Ami d’Enfance et on ne parlait plus que d’elle en mal. C’était pas très gentil de ma part mais j’avais besoin de m’affranchir des restes de cette amitié…

Un jour elle a quitté définitivement la région et je ne l’ai plus jamais revue, ça doit bien faire 10 ans.

J’avais été surprise quand elle m’avait recontacté sur Facebook il y a quelques années mais heureuse d’avoir de ses nouvelles. Elle aussi a été heureuse pour moi quand elle a appris que je m’installais à Trifouilly.

Il y a 1 mois, j’ai apris via Facebook qu’elle allait venir rendre visite à sa grand-mère qui est toujours ma voisine. J’étais ravie, sincèrement. De nos échanges rapides sur la toile, il m’était apparut qu’elle était quelqu’un de bien.

Avant que je ne la revoit, l’Ami d’Enfance m’a téléphoné et sans détour m’a tout de suite demandé si je l’avais vue… Drôle de sensation qui s’est insinuée en moi… Il pense toujours à elle, depuis toutes ces années.

Par une journée fraîche et ensoleillée, j’essayais tant bien que mal de faire rentrer un peu de chaleur dans la maison lorsque j’ai entendu quelqu’un dans la rue pousser un juron très imagé. Je n’ai pas eu besoin de sortir pour voir que c’était elle. J’avais oublié le son de sa voix, sa posture, ses mimiques et tout est revenu à moi… Tout d’un coup, j’avais 7 ans et je me languissais tellement de la voir!

Nous avons partagé un très long café, je l’ai beaucoup écouté. Au fond, elle n’a pas changé. On a pas mal tourné autour du pot puis nous avons fini par parler de l’Ami d’Enfance. Je me suis un peu vantée en lui racontant qu’on se voyait toujours, qu’on s’appelait et je lui ai dépeins le formidable homme qu’il était devenu. J’ai senti que de son côté aussi, elle pensais toujours à lui.

Encore une fois, un flash back pas très agréable pour moi.

On a eu du mal à se quitter, comme quand on était gamine sa mère s’est mise à l’appeler pour le dîner, nous avons souri…

Après une chaleureuse étreinte, nous nous sommes promis de ne pas attendre si longtemps avant de nous revoir. Promesse qui, surement, ne sera pas tenue mais au fond qu’importe… La vie nous uni puis nous sépare… C’est la vie!