Il a remonté son jean pour enfiler ses vieilles tongs bleues. Il s'appuie sur le guidon, se dresse sur les pédales. Elle est assise sur la selle, les jambes un peu écartées pour ne pas se coincer le pied dans les rayons de la roue arrière. Gare du nord, boulevard de Sébastopol... Il zigzague entre les voitures, les frôle, redresse le vélo. Elle s'aggrippe à lui, en essayant de ne pas écraser la rose rouge qu'elle tient à la main. Le vent dans la figure, tête brune et tête blonde, ils filent.
Ils arrivent place Maubert. Rue de la montagne Sainte Geneviève, elle glisse de la selle. Il attrappe sa main, de l'autre, il pousse le guidon. La pente est trop rude. Il souffle un peu, elle rit. Sur leurs visages rayonne l'été. Ce soir, ils dînent tous les deux en terrasse, place Polytechnique. Ils mangeront des hamburgers sur muffin, comme d'habitude. Et puis, ils retrouveront les autres au "Teddy's" pour disputer une partie de belotte et commander des pichets de bière.
Quand il la regarde, ses traits se détendent. Il sourit. Elle sent une bouffée d'amour la submerger. La lumière du soir, dorée et chaleureuse, flirte avec leurs cheveux. Elle aimerait que le soleil ne se couche pas. Sauvegarder l'instant, le revivre à tout moment, entendre son rire, boire ses paroles, sentir ses baisers sur ses lèvres, caresser ses épaules musclées, emprisonner sa taille de ses bras.
Elle ouvre lentement les yeux. Devant elle, la pierre tombale est noire et brillante.