475- Cochonnerie

Publié le 12 juin 2013 par Stiop

Gad. En général, cette seule syllabe provoque un sourire ou une pensée positive, tellement l’humoriste incarne ce prénom. Maintenant, j’écris GAD : les abattoirs. Et, assez étrangement, le rictus disparaît.

Les abattoirs GAD – leur fondateur s’appelait Louis – emploie de 700 à 800 personnes dans la commune de Lampaul-Guimiliau dans le Finistère, entre Brest et Morlaix. Cette petite ville tranquille comptait, selon Wikipedia, 2024 habitants en 2010.

Imaginez, personnellement, je n’y arrive pas, que plus de 2 millions de porcs sont abattus chaque année dont une grande partie sur ce site. Ça fait, à la louche, 1 cochon qui passe de vie à trépas toutes les 3 minutes, week-end inclus. Pas de répit pour les queues en tire-bouchon.

Pas de répit, non plus, pour ceux qui travaillent dans cette entreprise qui perd des dizaines de millions d’euros, et que les actionnaires, « qui n’ont pas d’autre solution », sont sur le point de fermer. Pas de repreneur.

En région parisienne, j’en entends certains qui prétendent qu’ils vont « au boulot comme à l’abattoir». À Lampaul-Guimiliau, on va « à l’abattoir comme au boulot ».

Enfin, on y allait, puisque le plus gros employeur de la ville va devenir le Pôle Emploi. Il y a, évidemment, beaucoup de « Couples GAD » parmi ceux qui sont menacés de perdre leur emploi. Ça avait commencé comme une belle histoire, ils s’étaient rencontrés dans le couloir entre la salle de désossage et la chambre de découennage. Une idylle était née.

Lorsqu’un tiers de la population active de la ville est concerné par la fermeture d’un site industriel, je n’ose imaginer la détresse des familles.

Les journalistes nous balancent cette information avec la légèreté et la distance qui sied si bien à leur position de neutralité. Et puis ils envoient les reportages, avec du son et de l’image, où l’on peut lire la peur, le découragement, et même, chez certains, le souhait de tout arrêter.

Arrêt sur image. Sujet suivant. Le journaliste évoque déjà la météo de demain ou l’affaire Tapie, la caméra s’éteint, le cameraman dit : « bon courage » et laisse le malheureux salarié interviewé avec son malheur et son absence de perspectives d’avenir.

Je ne peux rien faire, mais je suis solidaire.