La face sombre de la lune

Publié le 13 juin 2013 par Nicolas Esse @nicolasesse

1973 semble avoir été une bonne année, des personnes de grande qualité sont nées en cette année-là, qui ont quarante ans aujourd’hui. Aussi né en dix-neuf cent soixante-treize, un disque de vinyle noir comme la lune, trente-trois tours autour de la folie et de la mort.

Aujourd’hui, The Dark Side of the Moon paraîtrait découpé en morceaux sur iTunes ou Spotify.
Pour être honnête, je crois qu’après avoir écouté quelques extraits en vitesse sur mon ordinateur, j’aurais probablement laissé tomber. En déplaçant le curseur de trente secondes en trente secondes, j’aurais entendu des plages instrumentales, des voix, des caisses enregistreuses, les hurlements d’une femme énervée, un cœur qui bat, une horloge qui sonne trois ou quatre heures. J’aurais cherché en vain un accord, un refrain quelque chose qui soit immédiatement identifiable, une phrase musicale à reprendre à tue-tête, pendant les heures de route où je me prends pour un chanteur, Dieu me pardonne, s’il a des oreilles. Pour le reste de  l’humanité, mon habitacle est insonorisé.

Je n’aurais pas compris l’histoire que raconte cette musique, je n’aurais pas fait ce voyage, je n’aurais pas eu le temps de déposer ce vinyle noir sur mon tourne-disques, lui faire faire quelques tours de chauffe pour enlever la poussière avec un chiffon très doux, d’attendre que le bras mécanique se soulève, se déplace horizontalement, dépose amoureusement sa pointe de diamant sur la marge des sillons avec un beau craquement grave.

Sur l’écran de mon ordinateur ou de mon téléphone portable, il y aurait eu un appel, un message, une alarme, une nouvelle importante, un autre nouvel album. Quelque chose. Autre chose.
20 minutes : c’est le temps que dure la face A. Ces vingt minutes en continu, je ne les aurais pas trouvées, ou alors, pas pour ça, pas pour m’allonger en silence au bord de ces plages et écouter, les yeux fermés, la voix de cette femme à qui on avait demandé de chanter sur une ligne de piano, les yeux fermés en pensant à la mort.