Les Damnés: La Malédiction des Petrova – Chapitre XXIV

Publié le 11 juin 2013 par Artemissia Gold @SongeD1NuitDete

A la lueur d’une bougie, Anton, penché au dessus d’un pupitre du scriptorium du conseil, consultait les vieux manuscrits  dans l’espoir de trouver l’incantation qui permettrait à Noura de se déplacer en plein jour. L’oreille aux aguets, il scrutait le moindre bruit suspect et limitait au maximum les mouvements qui pourraient trahir sa présence dans ce lieu. Dans cette immense bibliothèque où étaient précieusement gardés les plus anciens grimoires, héritage de nombreuses lignées de sorciers, seuls quelques membres du conseil étaient autorisés à pénétrer. Après de longues heures de recherche, il trouva enfin le sort qu’il recherchait.  Il approcha l’unique bougie du grimoire et psalmodia la formule qui ensorcellerait l’anneau qui protégerait Noura des rayons du soleil.

Il eut à peine le temps de dissimuler la bague dans la poche intérieure de son pourpoint, lorsque la porte de la bibliothèque s’ouvrit brutalement pour laisser entrer Goran et les autres dirigeants du conseil. En voyant le sourire suffisant de Viktor, resté en retrait  dans l’encadrement de la porte, Anton comprit aussitôt que l’originel était au courant et n’était pas étranger à cette irruption inopinée.

Goran s’approcha de son fils et le dévisagea :

-  Où sont-elles ? demanda-t-il froidement.

-  Je ne vous aiderai pas à leur nuire, décréta Anton en soutenant le regard des membres.

-  Leur nuire ? Aurais-tu perdu le sens commun ?s’emporta Goran. Te rends-tu compte de ce qui risque de se produire si Noura utilise ses pouvoirs ou si Anya recouvre les siens grâce au grimoire ?

-  Elles ne sont pas une menace et elles vont probablement réussir là où le conseil aurait certainement échoué.  Vous êtes tellement aveuglés par vos principes et vos règles stupides que vous en oubliez qu’elles sont des nôtres. Je leur fais confiance moi…

-  Comme vous avez fait confiance à Véra malgré nos avertissements ? intervint l’un des dirigeants qui devait approximativement avoir l’âge de Goran. Permettez-nous de remettre en cause votre jugement Anton.

L’homme s’approcha et toisa Anton avec un air méprisant.

-  Boris, laissez-moi régler cela,  intervint Goran en s’interposant.

-  Nous vous avons déjà laissé réglé cela, Goran, et voilà où nous en sommes aujourd’hui. L’aînée était dans ces murs il y a encore quelques jours et vous l’avez laissée partir. Votre fils sait pertinemment où elle se trouve et refuse de coopérer: il sera traité en conséquence. Emmenez-le, ordonna-t-il  aux gardes restés devant la porte.

Goran regarda impuissant son fils être emmené. Intervenir en sa faveur lui ferait perdre définitivement le peu de crédibilité qui lui restait encore et il ne pouvait pas se permettre de se mettre à dos le conseil avant que tout ne soit terminé, avant que les deux sœurs ne soient en sécurité.

Bousculant sur son passage les gardes, un jeune homme fit soudain irruption dans la bibliothèque et se planta devant les membres du conseil. Le souffle court, il articula d’une traite :

-  L’une d’elle vient d’utiliser ses pouvoirs….nous savons où elle se trouve…

-  Il s’agit probablement de Noura, mon fils l’avait suivie. Elle s’en est probablement servi contre lui, intervint Viktor dont la voix et le visage ne manifestait aucune inquiétude pour le sort de son fils.

-  Nous devons la ramener ici et faire en sorte qu’elle ne nuise à personne, décréta Boris.

-  Et de quelle manière ? demanda brutalement Goran. Il est hors de question de blesser ces jeunes femmes. Elles sont des nôtres…

-  … et elle est également un vampire, intervint Viktor avec un sourire narquois.

Goran fusilla l’originel du regard, la mâchoire crispée.

-   Nous allons envoyer des hommes la chercher…

 ~*~

 Le lever du jour avait surpris Noura alors que les deux frères avaient à peine disparu dans la forêt. Recroquevillée dans une des pièces épargnée par l’incendie, la tête entre les mains, elles maudissaient intérieurement sa nouvelle condition qui l’obligeait à se terrer comme un rat, elle maudissait également les originaux qui manifestement s’étaient tous ligués pour lui pourrir la vie. Et elle ne le savait pas encore mais elle n’allait pas tarder à maudire une autre catégorie d’êtres qui s’approchaient si discrètement de la maison qu’elle ne perçut leur présence que lorsqu’ils se trouvèrent qu’à quelques mètres elle.

Lorsque les quatre sorciers, envoyés par le conseil, pénétrèrent dans la pièce, elle se leva d’un bond et balaya l’endroit du regard dans l’espoir de trouver une échappatoire. Mais la seule issue était une fenêtre aux volets clos qui laissaient passer par leurs interstices la lumière éclatante du jour.

-   Ne faites rien que vous pourriez regretter, lui intima le plus vieux. Les membres du conseil souhaitent seulement vous parler.

La jeune femme les dévisagea, les sourcils froncés :

-  J’ai l’air stupide à ce point ? répliqua-t-elle froidement.

- Vous êtes encore novice en la matière, il nous serait aisé de vous contraindre. Ne nous compliquez pas la tâche.

L’injonction du sorcier la fit sourire. Il était évident que l’homme ne la connaissait pas encore. Il s’approcha dangereusement de la jeune femme jusqu’à lui faire face.

-  Vous avez raison, je ne maîtrise pas  encore complètement mes pouvoirs de sorcière, admit-elle. Mais j’en ai d’autres qui me posent moins de problèmes.

Elle saisit brusquement l’homme à gorge et l’envoya voler sans mal à travers la pièce. Deux de ses acolytes furent emportés dans sa chute. En voyant ses camarades au sol, le quatrième homme, resté en retrait dans l’embrasure de la  porte pour éviter toute tentative de fuite de la sorcière, fit soudainement voler en éclat la fenêtre et les volets. La lumière crue du jour inonda alors la pièce. Noura laissa s’échapper un hurlement de douleur lorsque les rayons du soleil vinrent la frapper de plein fouet, lui brûlant les bras et le visage. Elle se précipita dans un des rares coins resté dans l’ombre. Ses plaies avaient à peine cicatrisé  que deux des sorciers la saisirent pendant que le troisième se hâta de poser ses mains sur la tête de la jeune femme avant qu’elle ait totalement retrouvé ses esprits. Elle n’entendit que les premières paroles de l’incantation avant de perdre complètement connaissance. Elle s’effondra sur le sol inconsciente.

-  Vous avez réussi à lui ôter ses pouvoirs ?

-  Vous plaisantez ! Estimons-nous heureux si elle reste inconsciente jusqu’à ce que nous arrivions au conseil, répondit l’autre en se tenant au mur tant l’incantation l’avait vidé de toute énergie. Allez chercher la verveine, cela l’affaiblira davantage.  Nous devons la ramener au plus vite avant qu’elle ne se réveille.

Dans les sous-sols froids et humides de la propriété du conseil Anton faisait les cent pas dans sa cellule depuis des heures. Plongé dans une quasi obscurité, il réfléchissait au moyen de sortir de là. S’il était maintenant trop tard pour prévenir Noura, il lui fallait retrouver Anya et la ramener dans son corps avant que Klaus ne se rende compte de la supercherie. Il tenta une énième fois d’ouvrir le verrou de l’épaisse porte grâce à ses pouvoirs mais toute magie était inefficace dans ces lieux prévus pour les occupants dans son genre. De rage, il se saisit d’un tabouret et l’envoya se fracasser contre le mur. Le bruit de l’impact se répercuta lugubrement contre les parois noircies par l’humidité. Découragé, le jeune homme s’assit sur sa paillasse nauséabonde, la tête entre les mains.

Le cliquetis de la serrure le fit se relever promptement. La lourde porte grinça sur ses gonds et laissa apparaître la silhouette de Goran. Tout d’abord sur ses gardes, Anton jeta un œil par-dessus l’épaule paternelle pour s’assurer que les autres dirigeants ne le suivaient pas.

Le vieil homme referma derrière lui la porte avant de s’approcher de son fils.

-  Je n’ai pas beaucoup de temps, murmura-t-il en lui tendant la clé de sa cellule.

Anton regarda son père sans comprendre.

-  Tu dois retrouver Anya et l’emmener loin d’ici avant qu’ils ne mettent la main sur elle. Je reste ici pour m’occuper de Noura.

-  Je ne comprends plus rien … Tu trahis le conseil pour les sauver ? demanda Anton abasourdi par l’attitude de son père.

Le vieil homme baissa la tête, visiblement affecté par la question de son fils.

-  Il ne faut pas qu’il leur arrive quoique ce soit…je le dois à leur grand-mère, reprit-il d’une voix à peine audible. Est-ce que tu sais où est Anya ?

Anton hésita un moment avant de répondre. Il répugnait à mentir à nouveau à son père mais il voyait très mal comment lui avouer qu’il avait utilisé un sort interdit par le conseil et qu’à l’heure où ils parlaient Anya était en quel que sorte au main de Klaus.

- Euh… disons… pas complètement…,  dit-il en fronçant le nez en espérant que son père se contente de cette réponse hasardeuse.

 Goran dévisagea son fils, soupçonneux :

- Je crois que je ne préfère ne pas savoir ce qu’Anya et toi avaient manigancé. Même si vous connaissant tous les deux je m’attends au pire…

- Il vaut mieux en effet que tu ne saches rien…, admit Anton en posant ses mains sur les épaules voûtées de son père avec un sourire qui se voulait sans doute rassurant mais qui eut l’effet inverse sur le vieil homme qui fronça les sourcils.

- Je dois remonter maintenant sinon ils pourraient soupçonner quelque chose. Je vais les convoquer pour parler de ton cas. Ce qui devrait nous prendre pas mal de temps, ne put-il s’empêcher de se lamenter.  Cela te permettra de sortir d’ici sans être surpris. Je vais faire en sorte qu’ils ne puissent pas te localiser.

Le vieil homme hésita un moment avant de quitter les lieux, il fit quelques pas vers la sortie avant de se raviser et de se diriger à nouveau vers son fils qu’il enlaça. Stupéfait, par ce geste d’affection inhabituel, le jeune homme resta un moment les bras ballants avant de lui rendre son étreinte :

-  Donne cette bague à Noura, elle lui permettra de sortir en plein jour, expliqua Anton en sortant l’anneau de sa poche.
-  Soyez prudents toi et Anya, murmura le vieil homme prenant le bijou.
-  Pourquoi ai-je le sentiment que tu me caches quelque chose ? demanda Anton en scrutant le visage soucieux de son père.
-  Bientôt nous pourrons en parler…