Quand je marche, quand je nage, quand je roule,
quand j’attends, même quand je lis, je
fais des phrases, je cherche des scènes ou des billets à écrire, je pense à mes
personnages, je m’amuse à trouver des arguments comme un Français qui discute.
Mais quand je suis à vélo, niet. Rien. Je regarde
les arbres, les bourgeons devenir des feuilles, les marécages, les reflets ou
les vagues sur la rivière. Je pédale. Je hume air, vent, temps, fleurs. J’écoute
les oiseaux, les grenouilles, le silence quand j’arrête. Là, au présent, je ne
pense ni avant, ni après. Je n’ai hâte à rien, même pas au pique-nique qui viendra lors d'une halte prolongée.
Je prête attention au sentier, aux trous de
marmotte pour ne pas y passer, aux branches pour ne pas qu’elles revolent dans
les rayons de mon vélo. Automatismes, rien d’élaboré, esprit presque vide.
Esprit libre.
Ce n’est qu’au retour que l’envie me prend de dire
ce qui fut, d’écrire qui je fus, de comparer avec la même période l’an passé ou lors de la dernière randonnée. Que le temps reprend ses droits. Que le temps
recommence à exister, que les heures défilent, trop rapidement. Que je traite
les photos qui me disent que, finalement, le temps a passé, même si je ne l’ai
pas vu, tout attentive que j’étais à vivre.
(Photos de l'auteure, prises au parc national de Plaiance, juin 2013)