Magazine Journal intime

Y'a la mer à Lourdes ?

Publié le 16 juin 2013 par Anaïs Valente

Je demande ça passque je pense que notre pseudo-condamné à mort because une maladie secrète de la mort qui tue doit être à Lourdes, je vois que ça comme explication, au vu de son état de santé fabuleux 18 jours à peine avant son décès : il roule jusqu'à la mer, trempe ses pieds dans le sable, regarde la mer en écrivant des trucs que même Marc Levy, critiqué pour écrire... ben du Marc Levy, n'oserait jamais écrire, picole en mangeant fromage et autres confits, la belle vie quoi...

Non sérieux, mais il prend quoi comme médicaments ?  Drogues ?  Moquette ?

Allez, un extrait, juste pour rire : "J’aime la sensation du sable qui s’écoule entre mes orteils lorsque l’onde recule. Puis vient le coup de fouet d’écume sur mes mollets transis. L’air est magnifique, diaphane. Mes poumons se gonflent de lumière alors que mes yeux se perdent sur l’horizon infini."

Tchu, moi aussi j'aimerais que mes poumons se gonflent de lumière, non mais allo quoi !

Bon, c'est pas tout ça, mais moi j'ai envie d'aller à la mer, et envie de vous faire partager ce texte, sur ladite mer, totalement beau d'une beauté bellement belle, ça c'est du vrai beau texte philosophique, ma bonne Dame :

Seuls les imbéciles ne changent pas de vie

Evidemment il fait un froid de canard. Je suppose que cela fait partie du trip. Crever d’envie de repartir avec la même intensité que le désir d’y arriver. Logique. Après tout, même les crabes marchent en zig-zag. Surtout les crabes, d’ailleurs.

C’est beau la mer. Quand on dit ça, on a tout dit. A ce stade, pour faire de la poésie, ce n’est plus le courage qui manque, c’est la bêtise. Ou alors, le talent.

On peut regarder couler le temps, s’ébahir des bruits – des chansons ? – du vent, s’esbaudir des mouettes qui voient des morceaux de pain partout, se pâmer devant les dunes, les herbes folles dans les dunes, les bêtes ténébreuses dans les herbes, s’incliner sous le ciel, lourd de promesses de menaces, on peut aussi s’étonner de la profondeur insondable de son propre narcissisme.

He oui ! En clair, rien ne va. Les choses sont ce qu’elles sont, immuables, ni rétroactives, ni futuristes, à part mon ennui, rien ne grandit. Tout est gamin. Moi qui n’ai pas d’âge. Que pourrait-il m’arriver ? Rien, me dit ma mère. Rien, me disent mes amis. Je n’aime pas ça.

Quand on est toute seule, on se parle à soi-même. En fait, se parler à soi-même n’est un symptôme schizophrénique que lorsqu’on est entouré de gens. Comme se déshabiller, par exemple. Mais je dérape.

Face à la mer, c’est différent de tout. Pourtant, on devrait savoir ce que c’est, la mer, depuis le temps qu’on la regarde, cette goutte d’eau plus une goutte d’eau dans l’océan. Mais on ne sait toujours pas. C’est différent, c’est tout. Impossible qu’elle vous regarde, jamais. Un tableau, oui. Une forêt, oui. La mer, non. Va savoir.

Elle est si impassible, la mer. Devant elle, on se sent tout petit, comment dire, liquéfié. Vas-y, mets ta tête dans le sable, ça fait du bien et puis on dort tout de suite. Entre les dents il crisse le sable, ça évite de devoir se les brosser.

J’aurais dû mettre une petite laine. Rien que pour être à même d’oublier cette idée qu’il fait froid. Mais comme j’ai beaucoup d’imagination, je craque une allumette, je la regarde fort, entre quatre-z-yeux, et elle brille comme un soleil. Vous me suivez ?

Mais surtout, quand le ciel s’ouvre, alors là, c’est le miracle.

Les nuages, en se cachant aux quatre coins de l’horizon, vous communiquent à travers le bleu qu’ils dévoilent, une

tranquillité d’esprit à nulle autre pareille. Et pourtant…

Ainsi va la vie, disait toujours papa. Ca énervait tout le monde parce que c’était trop simple. Les gens disaient : on ne peut pas, à chaque décision, faire volte-face en disant : ainsi va la vie !… Mais bien sûr que si ! Je m’explique. C’est la seule façon d’être bien. Ne pas se faire de mouron, ça reste le meilleur moyen de ne pas s’en faire. Il y a quelque chose de vertigineux dans tout cela.

Et le vol des oiseaux alors ! C’est pas vertigineux ça ? Je n’ai pas de souvenirs précis du jour où je me suis rendu compte de la hauteur du ciel. Pourtant, c’est le genre de constatation qui doit obligatoirement être soudaine. Pas de demi-mesure. C’est comme les boîtes de sardines, il y en a six, ou alors ce n’est pas une boîte. Eh oui. Ah, si les sardines pouvaient voler, on en verrait des boîtes, par milliers, et le ciel serait comme une grande assiette qu’on ne devrait jamais laver.

Et pourquoi, dans le quotidien, on ne peut pas rêver, s’arrêter ?

Je veux dire, pourquoi il faut aller à la mer pour ça ? Pourquoi, de plus en plus, dans les villes, on voit des hommes et puis des femmes qui marchent en baissant le nez, les mains dans les poches, l’esprit cousu, le rire bétonné, et qui ne vont nulle part ?

Aller dans l’eau comme dans le Grand Bleu, se plonger dans les yeux de Jean-Marc Barr et rester dauphin, exécuter des loopings dans ses pupilles, bonheur. Pourquoi ils n’existent qu’au cinéma ces gens-là ? Parce qu’en dehors ils n’existent pas plus que toi et moi, dirait mon père, ainsi va la vie.

Si la prochaine vague touche mes baskets, je m’offre une, non trois croquettes aux crevettes. Je les mangerai avec les doigts, c’est tellement meilleur avec les doigts.

On me dit : arrête de te comporter comme ça, sois responsable, sinon tu le regretteras et tu ne l’emporteras pas au paradis. Non, je ne plaisante pas, on m’a dit ça texto.

Ah, mais venez donc, les rentrez-le-vendre, les serre-la-tête, les mords-moi-le-nœud ! Apprenez-moi à vivre, à choisir mes maillots, lisez dans mon assiette, n’hésitez surtout pas ! Je vous attends.

Décidément, j’ai rudement bien fait de venir ici. Vous me voyez, hurlant toutes ces choses pendant une démonstration tupperware ? D’autant que je ne m’arrêterais pas là. Vient un moment où les conflits, on les cherche. On les façonne, on les fait mijoter, on les fait cuire des deux côtés, et on les sert, les conflits, les reproches, les agacements, bien saignants. Et s’il faut de la sauce, j’en ferai !

Ici, tout est si bucolique, si justifié. Les choses ont leurs raisons. Même les gens. Personne ne joue aux dés, ici. La mer apporte, à force de remettre son métier sur l’ouvrage, une sorte d’insouciance qui n’a rien à voir avec le renoncement. Et surtout il y a la magie. L’aube. La promesse. Le parjure des brouillards si fréquents par ici. Quand l’aube est claire elle vous pénètre comme un frisson tenace. Elle ne vous lâche plus. Insaisissable, elle ne tient pas sur la photographie. Ses couleurs pâlissent, s’envolent, disparaissent. Pouf ! Plus rien !

Si j’ai une fille un jour je l’appellerai Aube. Même si c’est prétentieux. De toutes façons, elle sera tellement jolie que tout le monde en restera bouche bée. Si c’est un garçon, par contre… on verra.

Des enfants. Il faut les faire les enfants. Les porter les supporter les allaiter les accoucher les élever les coucher les lever les enfants. Oui mais ils jouent au cerf-volant les enfants. Ils rient avec le vent les enfants. Ils ont dans la tête des images de beau temps les enfants. Et après ? Mais qu’est-ce que j’attends ? Lui, peut-être.

Ah, les hommes. C’est amusant, les femmes disent « ah, les hommes » et les hommes disent « ah, les femmes », mais ça ne sonne pas du tout pareil. C’est normal, à vrai dire, puisque les hommes pensent aux femmes par rapport à ce qu’elles pourraient penser d’eux, alors que les femmes pensent aux hommes par rapport à ce que d’autres femmes pourraient penser d’eux. C’est tellement plus intéressant. Mais passons.

Les femmes, c’est mieux parce que c’est plus clair. Une publicité disait, en résumé : « c’est simple je suis compliquée ». Vous connaissez un homme capable de dire cela ? Ils disent qu’ils sont simples, et puis compliqués, mais en fait simples, et au fond compliqués.

Quel embrouillamini ! Quels salamalecs ! Tout ça pour ne pas avouer qu’ils sont tout petits, là, avec leurs gros muscles.

Mais moi je les aime trop, les hommes. Je vous avouerais même que s’ils avouaient tout, je ne les aimerais plus.

Bien. Où en étais-je ? Ah oui, lui. C’est lui que j’attends, et les enfants aussi j’attends pour les attendre. Eh bien ! ils attendront ! Parce que la marée monte, et ma bonne humeur aussi . Je vais donc m’occuper de moi d’abord.

S’occuper de soi, si l’on veut le faire dans les règles, ça commence toujours par une bonne bouteille de pinard. Français, italien, chinois, peu importe, pourvu qu’en bouche il vous laisse des souvenirs.

Je contemple le brise-lames, il est serein comme moi. Il a les idées claires, comme moi. Il a peut-être moins réfléchi que moi, mais ce qui est sûr, c’est qu’il a pris sa décision à la même vitesse. Tout de suite. Entre nous, si j’avais été un bloc de pierre, j’aurais choisi comme lui, c’est tout de même plus gratifiant de défier la mer que de soutenir des villas cra-cra, non ?

Ceci dit, je ne suis pas un bloc de pierre, je suis une jeune femme qui s’est cherchée un court instant mais qui s’est trouvée.

C’est décidé, je change, je passais à côté de trop de choses.

Nouka Carlsen


Retour à La Une de Logo Paperblog