« Enchainés et immobilisés dans une demeure souterraine, des hommes, tournant le dos à l’entrée, perçoivent du monde extérieur uniquement des ombres et des échos ». L’allégorie de la caverne de Platon, expose en termes métaphoriques la perception tronquée de la réalité d’individus se pensant instruits de la réalité. Près de 2 400 ans après la mort du philosophe athénien, il semblerait qu’une large majorité de citoyens grecs soient également dans cette même situation. Immobiles dans leur canapé, entravés par des chaînes de télévision.
Fascinés par les ombres qui s’agitent dans cette petite lucarne, assourdis par les bruits qui s’en échappent, ils assistent au spectacle quotidien d’une illusion de vérité. Et si l’on en juge par le scandale né de la suppression de la télévision publique en Grèce, nous sommes en mesure de nous questionner sur la qualité des émissions proposées jusqu’alors. Car force est de constater qu’en ce qui concerne France Télévisions, les programmes demeurent le plus souvent aussi plats que les écrans sur lesquels ils sont diffusés, et que les encéphalogrammes des présentateurs.
Quel contribuable français serait capable de descendre dans la rue pour s’insurger contre la suppression de Plus belle la vie ? Irait-il jusqu’à remuer ciel et terre pour ne pas être privé des saillies désopilantes de Tex dans les Z’amours ? Prendrait-il les armes pour défendre la déontologie journalistique de David Pujadas et de Sophie Davant ?
Qui peut encore décemment penser que la télévision publique d’un état démocratique puisse être un média du peuple, par le peuple et pour le peuple ? Comment sont choisis ses dirigeants ? Ses rédacteurs en chefs ? Ses programmateurs ? Nommés ? Élus ? Par qui ? La puissance du média télévisuel mériterait davantage de précaution et d’esprit critique quant à sa manipulation.
Car la société de l’image pervertit les facultés de réflexion et de raisonnement des individus. Pire, elle est capable de détruire jusqu’à la capacité d’empathie en habituant la téléspectateur à l’horreur quotidienne. Enfin, elle confine au grotesque lorsqu’un sportif victorieux débarque à l’aéroport en filmant une foule entrain de le filmer, sous l’œil des caméras de télévision. Chacun, caché, protégé, derrière son appareil de prise de vue qui fait écran.
Pourtant, outil formidable, la télévision publique pourrait permettre la diffusion d’un savoir indispensable, d’une information de qualité. Si seulement elle cessait d’être un outil d’abrutissement de masse au service du pouvoir politique et économique. Si seulement elle cessait de prendre le citoyen pour un imbécile, parvenant trop souvent à le convaincre de se penser comme tel.
À quand une télévision publique qui se mêle de ceux qui la regardent ?
Guillaume Meurice
16/06/2013